L’errance d’un paria

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Par Maxime Huard
mercredi 9 mars 2011
L'errance d'un paria

Campé dans le Québec de la Nouvelle-France, le nouvel album du bédéiste François Lapierre convoque les légendes fondatrices du peuple algonquin. Teshkan, héros éponyme élu de son clan, doit choisir entre la conversion à la foi chrétienne ou l’affrontement avec le mythique homme-loup. Funeste alternative.

Premier volet de la série Chroniques Sauvages de François Lapierre, Teshkan parcourt du point de vue d’un jeune algonquin les territoires reculés de la Nouvelle-France. À travers le périple initiatique de son héros, désigné afin de reconquérir l’honneur du «clan du cerf», l’auteur y explore un passé peu exploité dans la bande dessinée québécoise, celui des forêts et des légendes.

D’entrée de jeu, le texte se situe à la frontière du récit historique et du conte. Le pari est risqué, mais fort réussi. En route vers une lointaine communauté jésuite, Teshkan combat à la fois les éléments, les démons de son passé et, surtout, l’étranger. En effet, si le thème du voyage initiatique est passablement éculé, le prétexte du choc entre colons et autochtones, lui, provoque maintes rencontres inusitées.

En donnant vie à une panoplie de créatures fantastiques auxquelles se mesure l’Amérindien (spectres, loups-garous et cannibales), Lapierre délaisse parfois complètement le domaine des faits avérés au profit d’un univers aux contours flous, mystérieux. Ce « western boréal » se démarque donc autant des récits trop fidèles à l’Histoire que de ceux portés exclusivement sur l’aventure.

Une grande part de l’efficacité de Teshkan tient dans sa facture graphique. Ceux qui connaissent déjà Lapierre reconnaîtront la maîtrise de l’ambiance et des couleurs propre à ses précédentes collaborations, notamment pour les séries Magasin Général et Le Troisième Testament. Ici, la vivacité du dessin confère une grande puissance évocatrice au monde onirique du héros, tout comme elle accentue brutalement les rigueurs de l’hiver.

À tous les futurs enthousiastes, Lapierre annonce déjà vouloir poursuivre ses Chroniques Sauvages sur une série de quatre ou cinq albums. Définitivement à suivre.