Le vide parfait

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Par Etienne Galarneau
lundi 26 janvier 2015
Le vide parfait
Pochette du dernier album de Gabriel Ledoux. Dans celle-ci, le compositeur a joint un texte intitulé L’art immoral.
Pochette du dernier album de Gabriel Ledoux. Dans celle-ci, le compositeur a joint un texte intitulé L’art immoral.
« Bon concours. Très bonne préparation. Choix d’inspiration très discutable. » Tels sont les commentaires qu’a reçus l’étudiant au doctorat en composition de l’UdeM Gabriel Ledoux pour le travail final de ses études au Conservatoire de musique de Montréal, l'an dernier. Ces remarques lui serviront de piste de réflexion sur le devoir moral des artistes, thème de son album Le vide parfait, paru le 22 janvier dernier.

Ce disque est constitué des pièces « Le rouge du crépuscule» ainsi que «Les poissons solubles ont peur du vide». Cette dernière a aussi été composée dans le cadre du concours de composition de Gabriel au Conservatoire. Les deux œuvres, chacune séparées en six sections, sont, selon l’artiste, la mise en musique d’une série d’événements sordides survenus dans l’histoire moderne des États-Unis. Il s’agit du suicide collectif du People’s Temple à Jonestown en 1978, du siège de Waco en 1993 et de la tuerie de l’Université Columbine en 1999. Le compositeur utilise des enregistrements d’archives de certaines victimes et de certains acteurs de ces drames humains. Ce matériel musical interpelle notre fascination collective envers le morbide.

La volonté de mettre le sordide en musique peut se révéler très choquante pour  certaines personnes. Dans la pochette du disque, le compositeur a joint un texte qui relate le profond désaccord de l’establishment à l’égard de son travail, qu’il a ressenti en complétant son concours en composition. Le texte, intitulé L’art immoral, est également signé par une poignée d’artistes de sa génération, élargissant le discours sur l’œuvre endisquée.

« Le rouge du crépuscule» et «Les poissons solubles ont peur du vide» présentent une partie instrumentale enregistrée par un petit ensemble constitué de musiciens issus du Conservatoire et de l’UdeM, ainsi qu’une partie électronique. Certains trouveront que ces deux éléments sont disparates. Ils ne font finalement que renforcer les questionnements par rapport aux qualités subversives de l’art d’aujourd’hui. 

Portée multidisciplinaire

Au-delà d’un simple agencement de deux oeuvres du même compositeur, Le vide parfait se présente comme une œuvre multidisciplinaire. Dans sa version pour le concert, Gabriel présente son travail en superposition avec une série de sept films d’art réalisés par autant d’équipes de jeunes cinéastes montréalais. Ces deux éléments pourraient exister indépendamment l’un de l’autre. Mais leur complémentarité démontre bien la volonté de briser les cloisons fermées de l’art contemporain. Cela permettrait d’élargir le champ de possibilités des esprits créateurs.

Le vide parfait marque aussi l’inauguration de l’étiquette de musique contemporaine et expérimentale acte, cofondée par Gabriel et son collègue Simon Chioini. Elle a pour but de libérer l’art de création de ses niches traditionnelles. Cette jeune institution, à la manière de la première œuvre qu’elle diffuse, agit donc comme un manifeste vers une nouvelle philosophie de l’art et une manière différente de réfléchir la création contemporaine.