Le rythme contre Parkinson

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Par Romeo Mocafico
lundi 18 février 2019
Le rythme contre Parkinson
Simone Dalla Bella est professeur au Département de psychologie de l'UdeM. (Crédit Benjamin Parinaud)
Simone Dalla Bella est professeur au Département de psychologie de l'UdeM. (Crédit Benjamin Parinaud)
Le codirecteur du BRAMS* Simone Dalla Bella, s’est intéressé aux effets de la musique sur les personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans le cadre d’une conférence le 7 février. Le professeur a présenté les résultats d’une thérapie préconisant la stimulation rythmique pour améliorer les capacités motrices des patients.

Quartier Libre : En quoi consiste ce traitement ?

Simone Dalla Bella : On vise à montrer les effets de la musique, et plus particulièrement du rythme, dans l’amélioration de la motricité d’un groupe de patients atteints de la maladie neurodégénérative de Parkinson. Ils sont atteints de troubles du mouvement et certains rencontrent de la difficulté à marcher. C’est sur ce point que se focalise l’étude.

La méthode appliquée est extrêmement simple : on présente au patient une musique particulièrement rythmique, et on lui demande de marcher par-dessus. On parle d’indiçage rythmique, ou de stimulation rythmique auditive.

Q. L. : Quels sont les effets de cette thérapie ?

S.D.B. : Pour la plupart des patients, si vous leur demandez de marcher avec la musique, le rythme va avoir un effet immédiat sur leur marche. Ils vont avoir tendance à marcher plus rapidement, et leur posture sera beaucoup plus naturelle et plus droite. En revanche, la marche redeviendra typiquement parkinsonienne à l’instant ou l’on coupe la musique.

La solution est donc d’entraîner les patients. On leur suggère de marcher 30 minutes par jour, 3 fois par semaine, pendant un mois. C’est la dose standard pour observer un effet sur la marche sans musique sur le long terme. Le patient marchera plus rapidement, avec des pas plus longs et donc plus stables. On est en mesure de prouver en laboratoire que cette thérapie a ces effets.

Q. L. : Quelles-en sont les limites ?

S.D.B. : On en sait peu concernant le circuit nerveux qui gère ces effets ainsi que sur la façon dont la thérapie va différer selon le patient. Les différences individuelles sont importantes : tous les patients ne répondent pas de la même manière, car certains sont aidés par la musique et répondent très bien aux stimuli, d’autres ne répondent pas et certains sont même dérangés.

Par exemple, la longueur du pas peut s’allonger de 10 centimètres pour ceux qui réagissent bien au rythme, ce qui est très important. Les parkinsoniens font de très petits pas en général, donc cela permet de réduire le nombre de chutes, et donc de fractures et d’hospitalisations. Pour ceux qui ne perçoivent pas bien le rythme, en revanche, la longueur du pas peut diminuer de la même taille. Il faut donc une certaine capacité et des prérequis physiques pour suivre cette thérapie et que la capacité rythmique soit un peu épargnée.

Q. L. : Ce traitement est-il suffisant pour lutter seul contre Parkinson ?

S.D.B. : Je ne pense pas. Je dirais que c’est un complément de la thérapie médicamenteuse. Les médicaments, telles la dopamine ou les autres substances utilisées dans le traitement de Parkinson, vont réduire d’autres symptômes importants, comme le tremblement. Ils auront cependant peu d’effet sur la marche. Dans les laboratoires, on recherche donc des méthodes complémentaires comme celle-ci.

Q. L. : Comment cette thérapie est-elle accueillie par le monde médical ?

S.D.B. : On sait depuis les années 1940 que la musique a un effet sur les personnes atteintes de Parkinson. Ce sont les patients qui, intuitivement, ont remarqué que le rythme pouvait avoir un effet positif sur leurs mouvements. Depuis, dans certains hôpitaux, les neurologues recommandent cette thérapie très simple d’utilisation.

C’est une méthode qui n’exige pas que le patient soit dans un contexte de rééducation à l’hôpital. En ce moment, on travaille en laboratoire sur le développement d’applications pour smartphones pour justement sortir la thérapie d’un contexte contraignant. C’est un enjeu important, car d’ici 2030, le nombre de personnes atteintes de Parkinson va doubler à cause de la croissance démographique. La maladie touchera presque 9 millions de personnes dans le monde.

* Laboratoire international de recherche sur le cerveau, la musique et le son .