Le novembre de Cohen

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vendredi 10 novembre 2017
Le novembre de Cohen
Rassemblement au Parc du Portugal, situé non loin de l'ancienne demeure de Leonard Cohen, lors de l'annonce de sa mort en novembre 2016. (Photo: Flickr.com | Exile on Ontario St.)
Rassemblement au Parc du Portugal, situé non loin de l'ancienne demeure de Leonard Cohen, lors de l'annonce de sa mort en novembre 2016. (Photo: Flickr.com | Exile on Ontario St.)
Au Québec, en 2017, le mois de novembre est, pour le moment, culturellement marqué par une figure. Une seule, gigantesque figure – plus ou moins 11 000 pieds carrés sur la façade d’un immeuble de la rue Crescent – que Montréal célèbre comme jamais elle n’a célébrée auparavant. Le grand Leonard Cohen, décédé il y a un an, domine ce début d’hiver comme aucun autre artiste ne l’a fait avant lui.

La grande fresque de la rue Crescent n’est qu’un exemple parmi d’autres de tous les hommages rendus ce mois-ci au poète montréalais. Le spectacle Tower of Song présenté au Centre Bell réunissant des artistes du monde entier, l’exposition A crack in everything au Musée d’art contemporain de Montréal consacré à son œuvre ou encore l’annonce de la publication de son dernier livre à temps pour les fêtes ne sont que quelques éléments mis en place pour célébrer le génie de l’auteur de Famous Blue Raincoat et Beautiful Losers.

 

À en croire tout ce qui se fait, on peut se demander si les revenus générés par l’œuvre de Cohen ne seront pas plus rentables et si son public ne sera pas plus grand après sa mort… du moins à l’échelle du Québec. En effet, bien qu’étant né à Montréal et ayant toujours considéré la métropole comme sa ville, Leonard Cohen n’a jamais joui d’une reconnaissance à la hauteur de sa réputation au sein de la province. Il aura véritablement fallu attendre sa mort l’an dernier pour que tout le monde se l’approprie comme un grand bâtisseur de Montréal. Malgré une carrière s’étendant sur une cinquantaine d’années et une influence majeure sur la littérature et la musique de l’Occident, les monuments à son nom et les récompenses des institutions artistiques et politiques du Québec ont tardé à arriver.

La raison? Il s’agit de l’éléphant dans la pièce, Cohen est anglophone, donc dans l’autre équipe. Cela lui a collé à la peau en le faisant passer au second plan dans la culture nationale. Pourtant, cette culture, Leonard Cohen l’aimait et lui rendait hommage à sa façon allant même, en 1968, jusqu’à refuser le prix du gouverneur général du Canada par solidarité avec ses amis artistes souverainistes. De plus, Cohen parlait français plutôt bien malgré sa réticence à s’exprimer dans cette langue qu’il avait peur de massacrer. N’eût été que de lui, sa participation à la vie culturelle du Québec aurait sans doute été beaucoup plus grande.

En ce sens, le regain d’intérêt pour l’œuvre de ce géant et les célébrations organisées par nos établissements ont de quoi faire sourire. On peut trouver le geste un brin hypocrite, mais mieux vaut tard que jamais. De toute manière, qui viendra se plaindre de la mise en valeur d’une œuvre aussi grandiose que celle de Leonard Cohen.

 

Première chronique de deux consacrée à Leonard Cohen.