Le nouveau visage de la contestation

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Par Sonia Boujamaa
mercredi 25 mars 2015
Le nouveau visage de la contestation
Malgré son côté féroce, le loup a aussi été choisi comme figure de proue par le mouvement du printemps 2015 pour son esprit de meute.
Malgré son côté féroce, le loup a aussi été choisi comme figure de proue par le mouvement du printemps 2015 pour son esprit de meute.
Depuis le 23 mars, plus de 50 000 étudiants ont amorcé une grève afin de contester les mesures d’austérité du gouvernement de Philippe Couillard. Dans cette nouvelle vague de contestations, les étudiants troquent le carré rouge pour le loup. Ce symbole sera-t-il aussi rassembleur ?

L e loup montre les dents lorsqu’il est ardemment opposé à quelque chose et nous sommes ardemment opposés aux politiques d’austérité du gouvernement » , affirme un des porte-parole du Comité prin­temps 2015, Brice Dansereau-Olivier. Le choix du loup pour représenter le mouvement vise selon lui à mettre de l’avant l’organisation et ­l’esprit de meute basés sur la colla­boration.

Selon la professeure à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM Mariette Julien, le loup n’en est pas à sa première utilisation comme symbole dans les communications. « Au Moyen Âge, le loup était synonyme d’un mauvais présage et il a été utilisé dans les premières publicités qu’on pourrait qualifier de subliminales, explique la professeure spécia­lisée en publicité et en mode. L’image du loup n’est pas très positive, elle renvoie beaucoup à une idée de violence, car les loups qui attaquent en meute le font sans demi-mesure. »

Dans l’imaginaire collectif, ce mammifère est souvent associé au méchant, que ce soit dans le conte Le Petit Chaperon rouge ou dans le nom qui était attribué aux Allemands par les alliés lors de la Seconde Guerre mondiale, rappelle Mme Julien.

Comprendre la symbolique

11« Au premier abord, je n’ai pas compris la signification, répond l’étudiant au baccalauréat économie et politique Aymen Benali. Mais le symbolisme est fort, je peux le comprendre, le loup représente la meute, le rassemblement. »

Le conseiller en communication politique et développeur de stratégies de l’agence montréalaise Molotov communications spécialisée dans les campagnes à portée politique, Julien Royal, estime que la compréhension du message passe aussi par l’émotion transmise. « Il est important que le visuel soit compréhensible pour les militants, mais aussi pour l’ensemble des étudiants et des personnes qui reçoivent le message, juge-t-il. Toutefois, ­l’iconographie n’est pas nécessairement cohérente, le loup peut ne pas être compris par tous. »

Selon Mme Julien, l’image positive entourant l’aspect communautaire du loup est peut-être moins présente dans l’inconscient collectif que son aspect violent. « Cet animal, contrairement au carré rouge, est probablement un symbole moins neutre qui risque de ne pas rallier autant les gens plus modérés dans le mouvement », juge la professeure.

Une rébellion plus vaste

Le carré rouge était à la base un symbole de lutte contre la précarité. Il a ensuite été repris par le mouvement étudiant à partir de 2005. Toutefois, la lutte de 2015, qui prend un visage plus social, justifierait la figure du loup, selon la porte-parole de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), Camille Godbout. « Il faut sortir du contexte des grèves de 2012 qui touchaient la hausse des frais de scolarité et plutôt montrer une opposition à toutes les politiques d’austérité menées par le gouvernement », souligne-t-elle.

Pour Mme Julien, le côté plus sombre de l’animal pourrait toutefois rejoindre certaines tendances.« Le paraître rebelle est très présent en ce moment chez les moins de 40 ans, explique-t-elle. L’idée d’une vie réussie passerait notamment par le fait d’avoir le comportement un peu délinquant des adolescents. »

L’image du loup, très présente dans le monde du rock et du hard rock, fait partie des cinq représentations les plus reproduites sur des vêtements, selon la professeure.