Campus

Détails d’un outil en os de renne à usages multiples datant de l’époque néandertalienne.

Le Néandertalien, plus malin qu’il n’y paraît

La dernière édition du Bulletin de la Société préhistorique française, une revue trimestrielle de préhistoire française publiée depuis 1904, consacre un article à cette importante découverte concernant l’Homme de Néandertal. Les fouilles archéologiques ont été menées à Arcy-sur-Cure dans le département de l’Yonne en France au cours des mois de mai et juin 2014.« Depuis déjà plus de 15 ans, l’idée d’une intelligence inférieure est contestée dans la littérature scientifique, explique Luc Doyon.L’outil qui a été identifié par ma collègue Mme Pothier Bouchard est, dans son explication, un indice supplémentaire qui supporte la thèse d’une intelligence supérieure. »

Le chercheur émet cependant certaines réserves quant à l’utilisation du terme « intelligence ». « Je préfère davantage parler de capacités technologiques, c’est-à-dire la capacité à reconnaître les propriétés de la matière première et à avoir le répertoire gestuel pour l’exploiter », soutient-il.

L’identification de l’outil a eu lieu au laboratoire d’anatomie comparée du Muséum national d’Histoire naturelle à Paris. « J’ai pleuré ! raconte Geneviève. Et j’ai dansé toute seule dans le grand laboratoire complètement vide. Heureusement, je n’ai pour témoin que les dizaines de squelettes montés d’animaux qui décorent le laboratoire. »

L’étudiante explique la nature de sa recherche. « J’effectue une analyse zooarchéologique, c’est-à-dire que je tente d’identifier l’espèce animale et la partie anatomique de toutes les pièces osseuses de la collection faunique recueillies afin de définir et de comprendre les modes de subsistances des groupes de chasseurs-cueilleurs néandertaliens qui ont fréquenté la grotte du Bison il y a un peu plus de 50 000 ans », raconte-t-elle.

Comprendre les usages de l’objet

L’instrument découvert est un os de renne travaillé par le Néandertalien. Les observations menées jusqu’ici laissent croire que l’engin était utilisé comme retouchoir pour façonner la pierre afin de fabriquer des outils. Les propriétés de racloir de l’objet doivent cependant toujours être démontrées par l’archéologie expérimentale, une procédure qui consiste à reproduire les conditions dans lesquelles l’outil a été utilisé. « Cette expérience permet en quelque sorte de retracer la biographie de l’objet », affirme M. Doyon.

En observant les traces d’usures résultant d’une manipulation humaine de l’objet, il est possible de comprendre quel était son usage, explique M. Doyon. C’est ce qu’on appelle la tracéologie. Une telle analyse nécessite un outillage approprié. « Nous avons utilisé le macroscope Olympus DSX100 récemment acquis par le Laboratoire d’écomorphologie et de paléoanthropologie de l’UdeM afin de pouvoir faire l’analyse de ces marques » , explique le chercheur.

Les diverses utilisations de l’objet permettent de mieux comprendre l’Homme de Néandertal, mais aussi l’Homo sapiens moderne. « L’humain a la possibilité de s’étudier lui-même, affirmel’étudiant au baccalauréat en anthropologieLouis-Frédéric Verrault Giroux. Il me semble qu’une connaissance approfondie de l’humain ne peut qu’être bénéfique, d’une façon ou d’une autre, pour soi comme pour la société en général. »

L’environnement du site de fouille est d’une grande importance pour la conservation et l’analyse des vestiges, selon M. Doyon. « Les sites présentant la meilleure conservation sont situés dans le Sud-Ouest américain, car leur environnement est sec, affirme-t-il. C’est très rare en Europe, surtout pour la période à l’étude. C’est pour cette raison que l’on prend toujours en compte les processus qui ont pu modifier l’état des vestiges dans nos analyses. Ces processus sont multiples pour la grotte du Bison : effondrement de la voûte de la grotte, accumulation d’eau stagnante par endroits et occupation successive des humains et des carnivores. »

Retombées personnelles

Cette découverte pourrait avoir des retombées importantes sur la carrière de Geneviève . « Il est évident qu’une telle découverte m’apporte beaucoup d’un point de vue académique, soutient-elle. D’un point de vue personnel, cet événement me rappelle surtout la raison pour laquelle je m’aventure dans de longues études qui, on doit se l’avouer, sont très risquées financièrement. »

Geneviève continue de s’impliquer dans une dizaine de projets au Québec et en Europe. Elle poursuit en parallèle la rédaction de son mémoire et prévoit s’inscrire au doctorat.

Partager cet article