Le Japon à grande échelle

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Par Antoine Palangie
mardi 22 mars 2011
Le Japon à grande échelle

Tremblement de terre de magnitude 9, tsunami de niveau VI : le séisme du 11 mars rappelle — brutalement — que les catastrophes, elles aussi, se chiffrent. Richter, magnitude du moment, Mercalli ou Soloviev ? Petit cours pratique d’« échellologie » 101.

 

Assis entre deux plaques tectoniques face au plus puissant des océans, les habitants de l’archipel nippon savent qu’ils vivent dans la menace permanente d’une catastrophe naturelle. Le Japon a depuis longtemps intégré ces risques dans l’aménagement de son territoire, mais peuton vraiment se préparer à un événement d’une telle ampleur ?

 

D’abord, il y a le tremblement de terre. Imaginez que vous cherchez à faire glisser l’une sur l’autre deux plaques de roche bien lourde, bien dure et bien rugueuse. Brusquement, elles cèdent, et l’énergie accumulée de votre poussée se transforme tout à coup en mouvement, en déformations, en chaleur et en vibrations. Seules ces vibrations — les ondes sismiques — sont ressenties ou enregistrées par les sismographes. Le problème, c’est que l’énergie rayonnée sous forme d’ondes sismiques ne représente qu’environ 1/60 000e de l’énergie totale engendrée par le mouvement des plaques tectoniques.

 

Plusieurs échelles

 

Pour ne pas paraître has been en sismologie, oubliez donc l’échelle de Richter, qui ne considère que cette infime fraction de la puissance d’un séisme. Les médias l’utilisent encore parfois, mais à tort : elle a été remplacée depuis un demi-siècle par l’échelle de magnitude du moment, qui rend compte de la quantité totale d’énergie (le moment sismique) mise en jeu dans un tremblement de terre. Le moment sismique est quant à lui proportionnel aux dimensions de la faille à l’origine du séisme.

 

L’échelle de magnitude s’étend de 1 (une secousse impossible à ressentir, il s’en produit environ 8 000 par jour) à 9 et plus (c’est la dévastation sur des milliers de kilomètres autour de l’épicentre, une fois tous les 20 ans). Le séisme du 11 mars dernier, initialement considéré de magnitude 8.9, a été réévalué à 9.

 

La différence peut paraître minime, mais dans une échelle de ce type, un petit dixième de point augmente de 40 % la violence du séisme, ce qui hisse celui du 11 mars au cinquième rang de tous les cas répertoriés depuis un siècle et au premier rang de l’histoire du Japon. L’énergie libérée par un tel séisme est ahurissante, 500 millions de fois celle de la bombe d’Hiroshima.

 

Aussi, ne confondez pas la magnitude, une mesure quantitative de l’énergie, et l’intensité d’un séisme, une mesure qualitative des dégâts. L’intensité d’un tremblement de terre est évaluée par l’échelle de Mercalli, laquelle est graduée de 1 (à ce niveau, seuls les sismographes peuvent détecter des secousses) jusqu’à 12 (aucune construction humaine ne résiste, le paysage change alors que la surface du sol ondule, littéralement). Celui du 11 mars est estimé à 9, ce qui correspond à panique générale, effondrement de nombreux bâtiments et gros dommages aux édifices les plus solides.

 

Puis vient le tsunami…

 

Le tsunami n’est pas une vague traditionnelle qui se forme par la friction du vent sur la mer. Il est généré par la perturbation rapide d’une grande quantité d’eau due, dans le cas d’un séisme d’épicentre sous-marin, à l’effondrement ou au mouvement du plancher océanique. Environ 75 % des tsunamis se produisent dans l’océan Pacifique à cause de l’intense activité sismique et volcanique de la région.

 

L’énergie globale d’un tsunami est liée à deux paramètres : sa vitesse de propagation et la hauteur de ses vagues. Il s’agit de la somme de l’énergie cinétique (due à la vitesse) et de l’énergie potentielle (due à l’élévation de la masse d’eau). En haute mer, où la vitesse de l’onde peut atteindre 900 km/h, l’énergie cinétique est très grande et l’énergie potentielle très faible, on n’observe rien ou presque à la surface.

 

Lorsque le tsunami approche les côtes, l’onde est ralentie par le fond marin. Il se produit alors un transfert de l’énergie cinétique vers l’énergie potentielle : la vitesse de propagation descend jusqu’à 36 km/h et la vague grandit, jusqu’à pouvoir égaler un immeuble de vingt étages.

 

Moyenne vague, mais gros dégâts

 

Au moment de frapper, seule la taille des vagues est donc significative. C’est pourquoi l’échelle de magnitude des tsunamis de Inamura et Iida ne tient compte que de leur hauteur maximale. Si le tsunami est de niveau 6, le maximum connu, les vagues dépassent 60 mètres et le littoral est submergé sur plusieurs centaines de kilomètres.

 

Puisque des vagues de 10 mètres ont noyé l’aéroport de Sendaï, la magnitude du tsunami qui a frappé le Japon après le séisme est moyenne, entre 3 et 4.

 

Là encore, il faut distinguer la magnitude de l’intensité, que l’on évalue sur l’échelle de Soloviev. À I, seuls les marégraphes perçoivent la vague. À VI, c’est le désastre, et l’inondation frappe loin à l’intérieur des terres. Le déferlement de l’eau jusqu’à 5 km du rivage et l’ampleur des destructions placent ce tsunami tout en haut de l’échelle de Soloviev.

 

Cependant, c’est sans doute le nombre de victimes qui constitue le critère ultime de gravité d’une catastrophe naturelle.

 

Le séisme du 12 janvier 2010 en Haïti, quoique 500 fois moins puissant que celui du 11 mars dernier, a pourtant fait 12 fois plus de morts que les 20 000 décès et disparus recensés à ce jour au Japon. Comme quoi aucune échelle physique ne peut prévoir les pertes humaines, et encore moins en mesurer les conséquences.