Volume 25

Le genre se taille une place

L’évolution dans l’étude des questions de genre concerne surtout la diversité des étudiants qui suivent ce type de cours, selon la responsable de la mineure en études féministes, des genres et des sexualités, Pascale Dufour. « Avant, on avait surtout des femmes, alors qu’aujourd’hui on a de plus en plus d’hommes, observe-t-elle. Ce sont aussi des gens qui n’ont plus seulement des formations en sciences sociales, mais aussi en littérature, en cinéma ou en communication. »

Les programmes en études féministes et de genre ont acquis de la légitimité au sein des universités, avance Mme Dufour. Les questions liées à ces thématiques ne sont plus seulement traitées par un petit nombre de spécialistes, mais sont désormais étudiées dans plusieurs domaines.

L’étudiant à la nouvelle mineures Benjamin Bourdages-Duclot a d’abord complété une majeure en anthropologie à l’UdeM, qui l’a introduit à la discipline. « J’ai toujours été intéressé par les questions de genre, de sexualité et de minorités, développe-t-il. Malheureusement, en anthropologie, on a peu de cours reliés à ça. Il y en avait un, et je l’ai vraiment adoré. »

Un deuxième cours est maintenant offerts aux étudiants en anthropologie intéressés par le sujet. Cet éventail de choix est néanmoins trop limité pour l’étudiant, qui estime qu’il s’agit de questions d’actualité. « C’est intéressant, car on se penche sur des problématiques que l’on voit très peu dans les autres cours », exprime-t-il.

Mme Dufour ne pense pas que l’arrivée du nouveau programme soit due à une plus grande ouverture d’esprit dans la société. « C’est un rapport de force, c’est la lutte, précise-t-elle. Les revendications ont été mises sur la place publique depuis plus de cent ans. C’est un processus qui ne s’est pas du tout fait naturellement, mais qui a été poussé par des actrices dans les mouvements sociaux ou au sein de l’État, et qui ont fait avancer les choses. »

Toucher aux autres disciplines

Les études de genre apportent une vraie plus-value pour les autres disciplines, d’après Mme Dufour. « Ça permet de raconter les choses d’une autre façon, par le prisme de femmes ou de personnes qui ont une version différente des événements, soutient-elle. C’est la même chose pour les études autochtones : c’est l’histoire des personnes subalternes. »

Benjamin ne regrette pas d’avoir opté pour la mineure, qui lui permet de toucher à de nombreuses disciplines connexes. « On a deux cours créés uniquement pour la mineure, spécifie-t-il. Pour le reste, ce sont des cours de plein de département différents et ça permet d’avoir des perspectives vraiment différentes. Souvent, ces cours abordent les enjeux de genre, sans nécessairement avoir un angle d’études féministes. Ça permet une compréhension plus globale. »

L’acceptation des questions de genre est assez inégale selon les disciplines mais aussi selon les milieux, avance Mme Dufour. « Les recherches sont beaucoup plus prises en compte dans le monde anglophone que francophone, certifie-t-elle. Après, ça dépend des disciplines. En sciences politiques, c’est extrêmement marginalisé, alors qu’en sociologie, ça l’est beaucoup moins. » D’après elle, c’est l’histoire même des sciences politiques qui explique cette situation. L’enseignement autour de travaux faits par des hommes, tout comme l’exclusion des femmes de la sphère politique jusqu’au xxe siècle, ont joué un rôle important, poursuit-elle.

L’UdeM rattrape son retard

« La demande étudiante s’est manifestée de façon plus éloquente et importante, affirme la professeure titulaire au Département d’histoire Denyse Baillargeon. Je sens un regain d’intérêt depuis cinq à dix ans. » L’attrait pour les études féministes et de genre n’a jamais été aussi prononcé, selon elle. Vingt-neuf cours en lien avec celles-ci sont actuellement proposés aux étudiants de l’UdeM dans des disciplines telles que la sociologie ou la philosophie.

Pour la responsable de la mineure le programme, démarré à l’automne 2017, ne signifie pas pour autant qu’il y aurait un engouement soudain pour ce domaine dans les universités. « Si on regarde plus globalement, à l’UQAM, ça fait très longtemps que l’Institut de recherches et d’études féministes existe […] Il en va de même pour le programme d’études féministes de l’Université Laval, détaille-t-elle. On a environ 20 ans de retard sur les autres universités québécoises. »

Si certains reprochent à l’UdeM ce retard, celui-ci pourrait s’avérer bénéfique, selon Mme Baillargeon, qui donne ce trimestre le cours « Histoire des femmes au Canada ». « Cela permet de ne pas répliquer ce que les autres font et ça donne l’occasion à l’UdeM de trouver sa propre voix », explique-t-elle.

Mme Dufour ne pense pas que le nombre de cours augmentera dans les prochaines années, mais croit plutôt que les nouveaux programmes, principalement en sciences sociales, ne pourront plus se faire sans intégrer ce type de contenu.

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