Le défi d’évaluer son oeuvre

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Par Claire-Marine Beha
mercredi 30 septembre 2015
Le défi d'évaluer son oeuvre
Crédit : Melen Joly
Crédit : Melen Joly
Le 25 septembre dernier, l’événement POP UP de ruelle* donnait rendez-vous à plusieurs jeunes artistes, dont des étudiants de l’UdeM et d’autres universités, afin de présenter une œuvre sur le thème de « L’heure bleue ». Leurs œuvres pouvant être achetées, ces derniers ont dû évaluer le prix de leur travail. Quartier Libre s’est intéressé à la façon dont les artistes émergents déterminent ce coût.

«Déterminer le prix d’une œuvre d’art est la chose la plus complexe à faire », déclare le professeur au Département d’histoire de l’art de l’UQAM Paul Maréchal. Les œuvres d’art sont des biens difficilement estimables contrairement aux produits qui suivent la logique classique d’économie de marché, comme le riz ou le café. Il s’agit ici de fixer une valeur financière à un objet ayant une valeur esthétique et donc subjective.

L’étudiante au baccalauréat en urbanisme à l’UdeM et artiste émergente Sofia Benkirane se souvient avoir vendu sa première toile durant une exposition, dans le cadre de son cursus en arts plastiques au Cégep du Vieux Montréal. « Pendant cette exposition finale, j’ai présenté une œuvre, et une dame est venue me voir et m’a proposé un prix pour ma peinture », dit-elle.

La première chose à laquelle pense l’artiste quand il fixe un prix, c’est combien lui a coûté le matériel. « Je fais des grandes toiles abstraites, mes toiles sont déjà montées sur cadre, explique-t-elle. Ma toile me coûte déjà pas mal cher : c’est la base du prix. »

Beaucoup d’artistes prennent aussi en compte le temps qu’ils ont pris pour réaliser leur œuvre, a remarqué Sofia, qui a participé à l’événement POP UP de ruelle. « Dans mon cas, je ne peux pas vraiment me baser là-dessus, parce que je fais de l’art abstrait : une toile peut me prendre 20 heures à faire, et une autre 20 minutes. »

Un palier à respecter ?

L’artiste émergent représenté par la galerie Lilian Rodriguez et titulaire d’une maîtrise en arts visuels et médiatiques de l’UQAM, Daniel Lahaise, appelle à la prudence face à la fixation du prix. « Si l’acheteur acquiert votre peinture pour 100 $ alors que le mois suivant vous l’estimez à 25 $, celui-ci aura l’impression d’avoir fait une mauvaise affaire », précise-t-il.

Sofia assure d’ailleurs ne jamais fixer son prix en dessous d’un certain palier. « Mes proches m’ont donné un conseil : me fier à la demande, assure-t-elle. Si plusieurs personnes viennent me voir, je peux hausser le prix. Je commence à un palier d’environ 400 dollars pour des toiles galeries, par exemple, et je monte le prix en fonction de la demande. »

L’étudiante explique avoir déjà pensé à s’associer à une galerie. « Je suis étudiante dans un milieu qui n’est pas rattaché aux arts visuels, alors être rattachée à une galerie serait à mon avantage, croit-elle. En attendant, on m’a proposé une exposition solo au Cégep dès le 3 novembre. Je vais pouvoir bâtir une clientèle et un portfolio, et je vais essayer d’avoir le plus de crédibilité possible. »

Dès qu’un artiste parvient à s’associer à une galerie à qui il a démontré sa crédibilité et surtout son talent, il doit établir avec elle une relation de confiance, croit Daniel Lahaise, puisque c’est elle qui décide du prix. « Il faut choisir une galerie qui collera à notre vision et notre style artistique », dit-il.

La galerie assure la confirmation de la valeur esthétique d’une œuvre, selon M. Maréchal. « Le galeriste est au cœur du marché de l’art, rappelle-t-il. C’est celui qui parle à tout le monde : aux collectionneurs, aux restaurateurs, aux acheteurs et à d’autres. »

Selon Sofia, il est généralement difficile pour les artistes émergents de se faire un nom. La jeune artiste ne vit pas pour le moment de son art. Pour percer et se faire éventuellement remarquer, l’étudiante estime qu’il est primordial d’avoir un style percutant.

* organisé par Art Cible, avenue de l’Hôtel-de-Ville