Volume 18

L’argent ne fait pas l’étudiant

Les étudiants qui se sont mobilisés jeudi dernier voient dans la hausse des frais de scolarité une menace pour l’accessibilité aux études universitaires. Pourtant, s’il est question de donner les mêmes chances au plus grand nombre d’étudiants possible, d’autres facteurs sont plus déterminants. Christian Maroy, professeur titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques éducatives à l’UdeM nuance l’influence des facteurs économiques sur l’accès à l’université.

 

 

Le professeur Christian maroy. Crédit Justin Doucet

 

 

Quartier Libre : Quel est l’impact des frais de scolarité sur l’accessibilité ?

Christian Maroy : Les études canadiennes, par exemple celle de Raymond et Rivard en 2004, montrent que les frais de scolarité n’ont pas un effet déterminant sur l’accès aux études universitaires, mais qu’ils ont un impact négatif plus important sur les groupes sociaux à faible revenu. Une hausse des frais peut dissuader les jeunes issus de familles à faibles revenus d’entreprendre leurs études, si aucun dispositif d’aide, sous forme de bourses ou de droits de scolarité modulés selon les revenus des parents par exemple, ne vient compenser cette hausse.

QL : Une hausse des frais peut être prohibitive pour les familles à faible revenu, mais elle n’est pas déterminante pour l’accessibilité. N’est-ce pas contradictoire ?

CM : On sait que les universités sont davantage fréquentées par des jeunes issus de couches sociales relativement favorisées sur le plan économique et culturel, même dans les pays où les frais de scolarité sont relativement bas. C’est vrai pour certains pays européens comme la France ou la Belgique. Ainsi, il ne suffit pas de laisser des frais bas pour favoriser l’égalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur.

QL : Si 45 % des jeunes Québécois entament des études supérieures, quels sont les facteurs qui dissuadent les autres ?

CM: Notamment, différents facteurs d’inégalités sociales et scolaires influencent la réussite au secondaire et au cégep, sans laquelle l’accès à l’université est peu probable. Mais c’est aussi lié à différentes aspirations aux études. Par exemple, en Belgique francophone, où j’ai mené une étude avec Maud Van Campenhoudt publiée dans Éducation et Sociétés en 2010, nous montrons que malgré le fait que l’université est peu chère (1150 $ pour une année complète), les aspirations à suivre des études universitaires sont marquées non seulement par le parcours scolaire antérieur, notamment les redoublements, mais aussi par le niveau de diplôme des parents et par l’image qu’ils ont de l’université, toutes choses étant égales par ailleurs. Bref, la situation économique de la famille ne joue pas sur les aspirations aux études une fois pris en compte le parcours scolaire du jeune et le diplôme des parents.

Cela ne veut pourtant pas dire qu’une hausse effective du coût de la scolarité n’influencerait pas les aspirations aux études universitaires des étudiants les plus serrés financièrement, mais qu’à un niveau de frais de scolarité donné, ce sont davantage les facteurs culturels qu’économiques qui sont déterminants. C’est vrai dans la plupart des pays, au Canada notamment, où les projets des étudiants, leurs aspirations à poursuivre des études universitaires restent marqués, à des degrés divers, par le milieu familial, comme le montre l’étude de Dupriez et al. de 2009.

 

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