Volume 22

La théologie, qui compte parmi les plus anciennes disciplines enseignées au Québec, est parfois confondue avec les sciences des religions. Crédit photo: Flickr/Emmanuel Huybrechts

La théologie, encore pertinente à l’UdeM ?

« La Faculté de théologie a été l’une des facultés fondatrices de l’UdeM, raconte le professeur à la Faculté de théologie et des sciences des religions (FTSR) et directeur du Centre d’études sur les religions, Fabrizio Vecoli . Elle existe depuis toujours, mais la dimension sciences des religions est relativement nouvelle. » Alors que la Faculté a été fondée en 1878, le volet sciences des religions y a été ajouté en 2001.

La théologie, comptant parmi les plus anciennes disciplines universitaires au Québec, demeure méconnue et se trouve souvent confondue avec les sciences des religions. « La théologie n’est pas la transmission d’un savoir religieux, précise le doctorant en théologie à la FTSR Jörg Engelmann. Elle est l’étude de la religion vécue, alors que les sciences des religions sont plutôt l’étude de la religion comme fait de société. »

La différence tient, selon M. Vecoli, à la présupposition de l’existence de Dieu. Elle constitue le point de départ de la théologie, mais non des sciences des religions. « La théologie est une discipline où celui qui la pratique s’interroge sur sa propre foi, explique-t-il. Dans les sciences des religions, ce qui est fondateur, c’est plutôt la donnée observée sur le terrain à laquelle on va apporter un certain nombre de conclusions. » Les scientifiques des religions vont, par exemple, observer des communautés religieuses lors du déroulement de cérémonies. « Avec la théologie, on pose un regard de l’intérieur sur la religion. Avec les sciences des religions, un regard extérieur », résume-t-il.

Théologie : Pertinence académique ?

L’annonce de fermeture de la Faculté de théologie et des sciences religieuses de l’Université de Sherbrooke, qui s’avère finalement être une restructuration, a réjoui le professeur d’histoire de l’UQAM Yves Gingras. Dans une lettre publiée par Le Devoir, il affirme que la théologie « constitue un anachronisme au sein de nos universités, un vestige d’un passé clérical », et qu’elle ne devrait pas être pratiquée dans les universités. L’UQAM et l’Université Bishop sont d’ailleurs les seules au Québec à ne pas offrir de programme en théologie.

M. Vecoli présente plutôt la théologie comme une discipline ayant beaucoup évolué au fil des décennies. Aujourd’hui, elle fournirait aux universitaires une tribune pour discuter librement de la foi sans devoir satisfaire aux exigences du clergé. « Mes collègues théologiens ne doivent pas nécessairement confirmer une orthodoxie, affirme-t-il. Ça permet, dans un dialogue qui se fait avec les sciences et les autres disciplines, de contrer le risque d’une radicalisation et d’éviter de tomber dans l’intégrisme. »

De son côté, le doctorant en sciences des religions à la FTSR Éric Berthiaume estime que la théologie lui donne de nouveaux outils pour l’étude de l’acte de croire, que cette croyance soit liée à une religion, à un système politique, ou autre. « Le croire est ancré dans tout ce que l’on considère légitime, affirme-t-il. La différence entre pouvoir et autorité, par exemple. Si une personne a le pouvoir d’agir en de telles circonstances, en a-t-elle l’autorité ? Qu’est-ce qui fonde l’autorité ? »

M. Engelmann considère lui aussi que la théologie permet une meilleure compréhension du comportement humain dans la société d’aujourd’hui. « Les réactions des humains aux épreuves qu’ils affrontent s’articulent presque toujours autour des questions métaphysiques, qu’on soit croyant ou non, juge-t-il. Quand quelque chose nous cause de la souffrance, que ce soit la mort, la maladie ou les difficultés quotidiennes, sans même s’en rendre compte, on cherche la raison, la source du mal invisible. Étudier en théologie m’a permis de mieux appréhender ce comportement. »

Distanciation ou association ?

Si, au Québec, un débat semble avoir cours sur la pertinence de la théologie en milieu universitaire et sur le type de lien qui doit exister entre celle-ci et les sciences des religions, ce n’est pas le cas dans tous les pays.« En Italie, dans les universités, on pratique seulement les sciences des religions, explique M. Vecoli. La théologie est confinée aux écoles épiscopales ou vaticanes. »

Certaines universités québécoises ont ainsi fait le choix de ne pas pratiquer la théologie et de se concentrer sur l’enseignement des sciences des religions. Cependant, dans la pratique, les deux disciplines peuvent s’alimenter l’une et l’autre, selon M. Engelmann. « Les frontières entres les disciplines, unies sous une même faculté, ont tendance à s’effacer, estime-t-il. À mon avis, beaucoup d’étudiants en sciences des religions font de la théologie sans le savoir et vice-versa. » 

La séparation des deux orientations est-elle un gage d’appauvrissement de l’une et de l’autre? « En tant qu’historien du christianisme, je serais bien embêté de traiter des problèmes historiques sans connaitre la théologie de l’époque sur laquelle je me penche », explique M. Vecoli.La Faculté de théologie de l’UdeM a d’abord fait partie de l’Université Laval, dont certaines facultés étaient installées à Montréal. Elle a été intégrée à l’UdeM lors de la fondation de cette dernière en 1920.

*Sophie Arbour est actuellement étudiante au baccalauréat en études religieuses, option sciences des religions

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