Volume 23

La socio dessinée

« C’est un livre qui invite les étudiants à se mettre en scène et dans la réflexion », annonce la professeure. Ping-pong n’est pas un volume typique conçu pour un usage scolaire selon elle, mais un récit à la première personne où l’auteure, une jeune femme aux cheveux courts et lunettes rondes, partage différentes réflexions sur sa vie. « Il y a une adéquation parfaite entre le parcours de cette dessinatrice musicienne qui parle de son rapport à l’apprentissage, de son rapport à la connaissance […] qui correspondait bien à ce que j’essaie de faire passer aux étudiants en sociologie générale », affirme Mme Amiraux.

Pour la première fois, la professeure a décidé d’intégrer la BD à ses cours. « Cela permet d’expliquer des concepts de sociologie complexes en utilisant d’autres canaux que les canaux classiques », estime-t-elle. La BD utilise un langage populaire et le dessin simpliste de Ping-pong permet aussi d’aborder des concepts plus directement, selon la professeure.

Publiée en 2014 puis rééditée en mai 2015 dans une version commentée par plusieurs artistes, la BD est devenue un projet « d’espace commun de réflexion », tel qu’indiqué par les auteurs. « J’ai été surpris par le contenu de cette bande dessinée, cela m’a aidé à comprendre le cours, assure l’étudiant à la mineure en sociologie Alexandre Viens. Le processus mental que décrit Zviane, tout le monde le vit, ça ne permet pas juste de le comprendre d’un point de vue sociologique mais de mieux se comprendre soi-même aussi », ajoute-t-il.

Selon le professeur titulaire au Département de psychopédagogie et d’andragogie de l’UdeM François Bowen, la BD peut être une stratégie pédagogique intéressante. « Tout est dans la façon de présenter, dans le dosage et la pertinence du contenu, commente-t-il. L’avantage, c’est que cela permet d’exprimer des contenus académiques dans une forme plus agréable et informelle et, en même temps, plus séduisante pour certains étudiants. » La représentation graphique et la narration permettent également de véhiculer certaines notions plus facilement, croit le professeur.

Intégrer la sociologie au quotidien

Pour Alexandre, nul doute que cette BD a stimulé son intérêt pour la matière. « J’ai fini le livre dans les deux premières semaines de ma session, cela m’a permis de plonger en sociologie », dit-il. Le seul bémol dans son expérience concerne la structure de la BD par rapport au plan de cours. « Je perdais un peu le fil, nuance-t-il. Pour un document de cours, c’est un peu désordonné, car les notions sont éparpillées à travers le livre. » La BD n’est toutefois pas le seul ouvrage sur lequel repose le cours, auquel s’ajoute un manuel plus conventionnel de sociologie.

La scénarisation de dialogues entre deux personnages devrait être également utilisée dans l’enseignement d’autres matières, comme en psychologie, estime l’étudiante au doctorat en médecine dentaire Erika Nakashoji. « Cela pourrait nous aider dans nos cours de psychologie spécifiques au programme de médecine dentaire, car nous ne sommes pas habitués d’aborder ce domaine », souligne-t-elle.

Malgré les qualités d’enseignement qu’elle en retire, Mme Amiraux ne pense pas que la démarche doive être généralisée. « Chaque professeur devrait enseigner comme il le veut, je ne pense pas qu’il y ait une utilisation à encourager », précise-t-elle. D’après la professeure, tous les étudiants ne semblent d’ailleurs pas avoir lu la BD. « Je ne suis pas certaine que cela leur a tous plu, je pense que cela les a beaucoup décontenancés », indique-t-elle.

Quoi qu’il en soit, la sociologue espère avoir permis à ses étudiants d’aborder une réflexion différente. « C’est une qualité que je tente de développer chez eux », conclut-elle. D’ailleurs, cette forme de récit à la première personne est le projet final que doivent remettre les étudiants de son cours. Dans une note ou un court essai, ils devront se mettre en scène et raconter l’impact des concepts du cours sur leur propre perception de la vie.

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