La radio ne fait pas le buzz

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Par Raphaelle.Corbeil
vendredi 11 avril 2014
La radio ne fait pas le buzz
cisM se sert activement de Facebook et de twitter pour attirer davantage de monde vers ses contenus audio. (crédit photo : Isabelle Bergeron)
cisM se sert activement de Facebook et de twitter pour attirer davantage de monde vers ses contenus audio. (crédit photo : Isabelle Bergeron)

À l’ère de l’information virale dans les réseaux sociaux, la radio peine à se tailler une place de choix dans la Toile, les productions sonores y étant généralement moins échangées que l’image et le texte. Malgré cela, le 20 mars dernier, la radio étudiante de l’UdeM, CISM, dépassait le cap des 10 000 j’aime sur sa page Facebook.

«C’est un énorme défi pour nous, confie le directeur marketing de CISM, Marc-André Laporte. Nous développons une approche plus textuelle et visuelle. Il faut trouver la phrase qui incitera les internautes à aller écouter une émission.»

L’arrivée d’internet a fortement bouleversé les habitudes de consommation du grand public face aux médias. Un nombre grandissant d’internautes s’informe directement sur les réseaux sociaux en consultant les contenus qui y sont partagés. «Une des caractéristiques du contenu viral est son fort potentiel de stimulation », explique l’étudiant au doctorat en sociologie à l’UdeM Alex Perreault.

Selon lui, contrairement au texte et à l’image, les productions sonores brutes ont moins de chance de devenir virales. «Le son sans le support image demande une attention soutenue, en particulier dans le cas du contenu viral, soutient-il. Le phénomène sonore est par définition éphémère, tandis que l’image possède une certaine continuité temporelle.»

Le doctorant souligne par ailleurs la dimension culturelle du phénomène du « contenu viral » engendré par les réseaux sociaux. «Nous sommes socialisés au sein de cultures qui accordent beaucoup d’importance à la transmission des connaissances et à la communication par l’entremise des médias visuels, dit-il. La transmission orale est une tradition devenue presque folklorique.»

Aux yeux de Marc-André Laporte, le problème réside dans le fait que les gens prennent de moins en moins le temps d’écouter la radio. «Un des plus gros défauts des médias sociaux, c’est que tout le monde souffre d’un déficit d’attention, croit-il. Quelques minutes passées sur Facebook suffisent pour avoir plusieurs onglets d’ouverts avec des articles lus en diagonale, une toune écoutée à moitié, et, au bout du compte, on ne retient rien, ou presque.»

De nouvelles réalités

Le directeur marketing de CISM souligne les nombreux efforts déployés par CISM pour améliorer la présence de la radio sur le web, sans toutefois vouloir changer la nature de celle-ci. «Il faut s’adapter aux nouvelles réalités, mais on ne changera pas le format de CISM, affirme-t-il. On ne fera pas d’émission de trois minutes, comme peuvent le faire les webséries. Notre but est de nous assurer que CISM est écoutée au maximum.» L’équipe mise de plus en plus sur les médias sociaux pour faire connaître ses contenus.

Tout comme CISM, la radio communautaire CIBL se sert de Facebook et de Twitter pour attirer les gens vers ses divers contenus audio. «Nous publions régulièrement du contenu informatif et nous varions la nature de nos publications, explique le responsable marketing de CIBL, Paul Beauséjour. Nous tentons le plus possible d’interagir avec les fans de la page et nous adaptons nos publications en fonction de leurs intérêts. Comme une quarantaine de nos émissions ont leur propre page Facebook, il y a un phénomène de vases communicants qui alimente chacune des pages.»

Alex remarque pour sa part la présence grandissante mais encore bien marginale d’extraits sonores transmis sur les médias sociaux à l’aide de comptes personnels sur le site Soundcloud, par exemple. On peut alors se demander s’il s’agit d’un phénomène passager ou d’une tendance qui finira par se révéler durable.

Le doctorant met pourtant en garde contre le danger d’accorder trop d’importance au contenu viral. «L’excitation temporaire face à un événement insignifiant fait beaucoup de bruit, mais n’a pas d’intérêt pour la culture dans la durée», s’exclame-t-il. Il cite en exemple François Pérusse et ses gags, en format audio seulement, qui ont marqué beaucoup de jeunes Québécois au point où certains d’entre eux sont, encore aujourd’hui, capables de réciter de mémoire les gags. «Qui serait capable de reproduire un mème internet [phénomène repris et décliné en masse sur internet] quelques mois après l’avoir vu?», s’interroge-t-il.

Dans le contexte actuel, tout porte à croire que la radio ne sera jamais virale.