La parole aux jeunes

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Par Ethel Gutierrez
mercredi 10 avril 2013
La parole aux jeunes

Selon les jeunes, si l’égalité des sexes est atteinte dans la sphère publique, des progrès restent à faire dans la sphère privée. Mais ils perçoivent cette question comme un enjeu individuel plutôt que collectif. C’est ce que révèle la recherche ModÉgalité menée auprès de jeunes Montréalais, à l’initiative du Forum jeunesse de l’île de Montréal (FJIM). 

L’étude ModÉgalité a été effectuée par la doctorante en communication à l’UQAM, Caterine Bourassa-Dansereau. «Le gouvernement du Québec a mis sur pied un grand plan concernant l’égalité depuis plusieurs années, dit-elle. Ils se sont rendu compte qu’ils avaient peu travaillé avec les jeunes sur la question de l’égalité. »

C’est pour tenter de remédier à cette insuffisance que le FJIM et ses partenaires ont lancé la recherche ModÉgalité, qui a été confiée à Mme Bourassa-Dansereau. De 2011 à 2013, 1043 jeunes de 16 à 22 ans et de 19 à 22 ans ont été interviewés. Le FJIM a privilégié une démarche participative afin de joindre les jeunes de manière efficace et de comprendre leur vécu, leurs perceptions, leurs préoccupations et leurs aspirations dans un rapport égalitaire. « J’ai été surprise de la grande diversité des opinions des jeunes sur l’égalité, dit Mme Bourassa-Dansereau. Elles allaient d’un extrême à l’autre. Certains propos m’ont même choquée, des jeunes utilisant des mots insultants. » 

Pour permettre aux jeunes de s’exprimer, des groupes de discussion ont été établis selon leur sexe, leur âge, leur appartenance socioéconomique et leur langue d’origine. La méthode du théâtre-forum a été utilisée par l’organisme Mise au jeu, partenaire du FJIM. Cette technique va au-delà de la simple pièce de théâtre, car elle permet aux jeunes d’intervenir pendant la prestation en cas de désaccord avec la mise en scène ou les répliques des comédiens. On y abordait les thèmes de la communication entre les hommes et les femmes, et de l’incidence des images véhiculées par les médias, entre autres. Ces pièces de théâtre-forum ont été présentées dans des écoles secondaires, des cégeps, des universités et des centres communautaires.

«J’ai été impressionnée par la qualité des réflexions, affirme Mme Bourassa-Dansereau. On a parfois le sentiment que les jeunes ne réfléchissent pas aux questions concernant l’égalité. Au contraire, il y a des jeunes très critiques. Ils ont beaucoup de choses à dire, et on les sous-estime. »

Responsabilité individuelle plutôt que sociétale

Les jeunes Montréalais de 16 à 22 ans interrogés dans le cadre de l’étude ModÉgalité estiment que l’égalité entre les sexes est un idéal qui reste à atteindre, surtout dans le privé, et que la vision des rôles familiaux est stéréotypée.

« En général, il y a une égalité entre les sexes sauf dans certains domaines, comme le sport et la politique, croit l’élève de quatrième secondaire Tennessa-Line Duarte. Je pense que la société actuelle donne une certaine vision des rôles dans une famille. »

Un autre constat de l’étude ModÉgalité : les jeunes attribuent les inégalités entre les sexes aux caractéristiques individuelles d’une personne, comme sa personnalité ou ses valeurs. En aucun cas, ces inégalités entre les hommes et les femmes ne sont perçues comme le résultat de normes sociales. L’âge, le milieu socioéconomique et l’appartenance ethnoculturelle des participants influencent beaucoup leur conception de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Par contre, le fait qu’ils soient de sexe féminin ou masculin a peu d’influence. « Nous n’avons pas remarqué de différence majeure entre les jeunes hommes et les jeunes femmes, souligne la responsable en gestion et partenariat du FJIM, Marie-Hélène Croteau. Par contre, ce qui est intéressant est que ceux qui appartiennent au même environnement socioéconomique pensent de la même manière. »

Sensibiliser les plus jeunes

À la lumière de cette étude, le FJIM suggère de s’adresser plus particulièrement aux jeunes de 16 à 18 ans, dont la compréhension de l’éga- lité chez les hommes et les femmes est mitigée. Les jeunes de 19 à 22 ans qui ne fréquentent pas les cégeps ou les universités devront également être ciblés. On doit également prendre en considération l’appartenance ethnoculturelle des jeunes afin d’adapter les outils pédagogiques qui leur sont destinés. « Nous allons créer un guide jeunesse qui sera distribué dans les établissements scolaires et les centres communautaires », affirme Mme Croteau.

Enfin, la question de l’égalité entre les sexes au sein de la famille et du couple, notamment en ce qui concerne les relations sexuelles, devra être abordée puisqu’elle préoccupe particulièrement les jeunes Montréalais. Le FJIM propose également que les jeunes soient incités à réfléchir au sujet de l’égalité dans la sphère publique.

Le cinéma-forum sera également utilisé comme outil d’intervention et de sensibilisation dans les établissements scolaires, à la suite des constats de la recherche. Créé en partenariat avec le FJIM et Mise au jeu, un court-métrage abordant des scènes problématiques de la vie quotidienne sera diffusé à partir de juin dans des établissements scolaires.