La modernité, un bienfait qui vous veut du mal

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Par Tiffany Hamelin
mercredi 15 septembre 2010
La modernité, un bienfait qui vous veut du mal

Nicolas Langelier est journaliste, commentateur culturel et auteur depuis plus de dix ans. Sa carrière de pigiste débute au quotidien La Presse où il tient diverses chroniques toutes reliées de près ou de loin à la culture, aux médias et aux phénomènes de société. Son dernier roman Réussir son hypermodernité et sauver le reste de sa vie en 25 étapes faciles, est entièrement consacré aux excès de la modernité et à ses effets.
 

Quartier Libre : Comment définirais-tu le terme de l’hypermodernité ? Pourquoi avoir voulu parler de ça dans ton premier roman ?

Nicolas Langelier : L’hypermodernité est une idée développée depuis quelques dizaines d’années par divers penseurs. Cela revient à parler de notre époque non plus en tant que postmoderne, qui signifie après la modernité, mais à définir notre époque comme étant hypermoderne. La technologie est plus présente que jamais dans nos vies, il en va de même pour l’individualisme. C’est une théorie qui me parle car comme le personnage que je mets en avant dans mon livre nous sommes tous sujets aux excès de la modernité.

Q.L. : L’hypermodernité va-t-elle de pair avec un sentiment d’apocalypse ? Tu associes dans ton livre modernité et liberté, mais la modernité est-elle nécessairement une forme de liberté ?

N. L : Je ne voudrais pas vivre à une autre époque que la nôtre mais l’hypermodernité entraîne clairement un sentiment de malaise. La notion de la liberté est assez paradoxale : pour consommer plus nous devons travailler plus, où est la liberté dans tout ça ? Le phénomène est le même en ce qui concerne les médias. Grâce aux technologies portatives nous avons l’impression d’être de plus en plus libres mais nous sommes en contact constant avec le reste du monde par le simple biais de nos cellulaires. Cette modernité est de plus en plus addictive et devient donc nocive.

Q.L. : Selon toi, quelles sont les principales différences entre les processus de l’écriture journalistique et celui de la création littéraire ?

N.L. : Il y a deux grosses différences. En journalisme, il y a cette obligation envers la vérité. Il faut s’en tenir aux faits et rapporter les paroles de façon correcte et respectueuse. Seulement le journalisme d’opinion accorde une place plus importante à la subjectivité. En fiction, l’auteur est amené à user de sa créativité et de son imagination. La seconde différence se rapporte à la liberté. Écrire une fiction est bien plus agréable. En effet, ni la forme ni le choix du sujet ne sont imposés alors qu’un journaliste répond à une commande spécifique du rédacteur en chef ou du chef de pupitre. Le journaliste est aussi contraint à respecter un délai et certaines restrictions imposées par le média pour lequel il travaille.

Q.L. : Tous les journalistes sont-ils des écrivains en puissance ? Le journalisme est-il un art de raconter ?

N.L. : C’est en tout cas le fantasme de beaucoup d’entre nous. Chez Boréal, c’est très commun depuis quelques temps de voir des journalistes tels que Katia Gagnon (La Presse) publier une fiction. Les libertés dont l’écrivain jouit sont très attirantes. Nous avons cependant perdu de vue l’idée que le journalisme est avant tout un art de raconter une histoire. Aujourd’hui, dans les écoles, on enseigne surtout le principe de la pyramide inversée ; le nouveau journalisme est devenu assez plate. Il ne faut pas oublier que les grands journalistes sont souvent les meilleurs raconteurs.