La gratuité scolaire : un choix rentable

icone Societe
Par Christophe Perron-Martel
mercredi 28 novembre 2012
La gratuité scolaire : un choix rentable
Le chef d'Option Nationale, Jean-Martin Aussant, a fait la promotion de la gratuité scolaire aux étudiants de l'UdeM le 26 novembre.
Le chef d'Option Nationale, Jean-Martin Aussant, a fait la promotion de la gratuité scolaire aux étudiants de l'UdeM le 26 novembre.

La gratuité scolaire n’est pas une « lubie de gauchiste » affirme sans détour le chef d’Option nationale, Jean-Martin Aussant. Avant sa conférence sur l’éducation du 26 novembre à l’UdeM, l’économiste s’est entretenu au téléphone avec Quartier Libre pour faire valoir sa vision de la gratuité scolaire dans le contexte québécois.

 La gratuité scolaire, Jean-Martin Aussant y a toujours cru. «J’ai toujours trouvé que mettre une barrière économique aux études n’était pas une bonne idée.» Il croit non seulement au principe, mais aussi à la rentabilité de la gratuité sur tous les plans, notamment au niveau économique. «Les cerveaux, ce sont des ressources renouvelables, explique-t-il. Il faut investir massivement dans l’éducation. L’éducation stimule l’innovation et la productivité.»

M. Aussant ajoute que la gratuité est également rentable sur le plan fiscal si les étudiants ne tardent pas trop à terminer leur formation universitaire.«Un étudiant qui finit son baccalauréat gagne en moyenne 700000 dollars de plus durant sa vie qu’un citoyen sans formation universitaire, précise-t-il. Puisqu’au Québec, nous avons une forme d’imposition progressive sur le revenu, c’est plus de revenus pour l’État.» Une autre vertu de la gratuité serait qu’elle rend le tissu social plus sain. « Une société plus éduquée est plus en santé, mieux conscientisée, et ses citoyens commettent moins de crimes. » Il s’agit donc d’une sorte de triangle où les facteurs éducation, sécurité publique et santé s’alimentent positivement.

Malgré ces avantages économiques et sociaux, l’idée de la gratuité scolaire se heurte à des obstacles idéologiques pour M. Aussant. Il déplore le manque de rigueur des acteurs politiques qui s’appuient sur des jugements de valeur plutôt que sur des faits. Il a déjà demandé à Line Beauchamp, alors ministre de l’Éducation, sur quelle étude elle se basait pour conclure que hausser les frais de scolarité était la meilleure solution pour financer les universités. «Elle m’a répondu candidement qu’elle n’avait en main aucune étude qui le prouvait. Le gouvernement doit s’appuyer sur des faits et non sur une idéologie», s’exclame- t-il.

Pour faire valoir la gratuité, il pense donc qu’il faut passer outre les préjugés véhiculés sur elle. «C’est une question de colonne vertébrale politique», affirme-t-il. Ceux qui répètent dans les médias que la gratuité est une «lubie de gauchiste» sont ce qu’il appelle les «chroniqueux». «Ils sont payés pour véhiculer cette opinion-là. Ce ne sont pas des économistes sérieux. Ils ne s’appuient sur aucun fait.»

Pistes de financement

Pour contrer l’argument selon lequel la gratuité scolaire coûterait trop cher, l’économiste de formation propose donc des solutions concrètes pour dégager les sommes nécessaires. M. Aussant considère pouvoir économiser sur l’administration des impôts. Il avance que produire deux déclarations de revenus, une fédérale et l’autre provinciale, coûte 500 millions de dollars par année au gouvernement québécois.

«C’est du gaspillage sur le plan de l’efficacité administrative, s’indigne-t-il. Une seule déclaration de revenus nous permettrait de dégager des sommes pouvant financer en partie la gratuité.» L’administration des dépenses en médicaments pourrait constituer une autre piste de financement pour la gratuité scolaire. «On économiserait un à deux milliards de dollars en créant Pharma Québec [société publique fictive qui s’occuperait de l’administration des médicaments au Québec], soit amplement assez pour financer la gratuité scolaire en totalité», énonce-t-il.

Selon Option nationale et Québec solidaire, la création de cette société publique permettrait de freiner l’explosion des coûts des médicaments au Québec. D’après les chiffres de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), réaliser la gratuité scolaire de la maternelle à l’université coûterait 750 millions de dollars.

Il trouve inacceptable qu’aujourd’hui encore des étudiants écourtent leur cheminement scolaire en raison de problèmes financiers. «Le Québec devrait s’inspirer des pays scandinaves, qui ont mis en pratique la gratuité scolaire, pour résoudre ce problème», juget- il, estimant les pays scandinaves comparables au Québec sur les plans économique et démographique.

Calme depuis le début de l’entrevue, M. Aussant hausse le ton lorsqu’on lui demande si le fait de rendre l’éducation gratuite amènera des citoyens à abuser du système. «Les droitistes qui disent qu’on abusera forcément d’un service public, s’il est gratuit, me font sursauter, dit-il. Est-ce qu’on fait exprès de se couper un bras parce que les soins sont gratuits ? Franchement!» L’économiste concède toutefois que les services éducatifs sont conditionnels à une contribution par l’impôt par la suite, car «ces services, ils se méritent».

 

*******

AUSSANT ATTIRE LES ÉTUDIANTS par Fanny Bourel

C’est devant environ 200 étudiants de l’UdeM que le chef d’Option Nationale, Jean-Martin Aussant s’est exprimé sur l’éducation. Il a plaidé pour le principe de gratuité scolaire et s’est prononcé contre le financement des écoles privées par de l’argent public et pour le rétablissement d’un équilibre entre les réseaux francophone et anglophone. Il considère que ce dernier est surfinancé.

Il a également affirmé que les immigrants devaient être incités à scolariser leurs enfants dans des écoles francophones pour garantir la pérennité de la langue française en Amérique du Nord. «Ce serait triste que le Québec devienne une Louisiane ou un bayou de cette sorte» a-t-il a déclaré.

 M. Aussant a terminé son allocution en défendant les commissions scolaires qui continueront d’exister, selon lui, qu’elles soient abolies ou non. «Si les commissions étaient supprimées, elles se recréeraient car les écoles seraient amenées à se regrouper pour faire

des économies» a-t-il estimé. La conférence était organisée par l’Association des étudiants et étudiantes en enseignement au secondaire de l’UdeM (AÉÉSUM).