»Je prends le Ritalin prescrit à ma soeur »

icone Campus
Par Marika Simard-Dubé
mardi 20 septembre 2011
''Je prends le Ritalin prescrit à ma soeur''

De 5 % à 35 % des étudiants prendraient du Ritalin pour augmenter leur performance académique. (Crédit photo : cara lepore, flickr.com)

Du Ritalin se retrouve illégalement entre les mains d’étudiants. La  consommation de ce médicament comme drogue de performance est en hausse chez les étudiants canadiens, indique un éditorial paru dans le  Journal de l’Association médicale canadienne, le 6 septembre dernier. Selon  ces chercheurs, la compétition est telle que de 5 % à 35 % des  étudiants consommeraient du Ritalin pour augmenter leur performance académique, un comportement qui ferait courir des risques à leur santé.

« Je prends le Ritalin prescrit à ma soeur pour m’aider à me concentrer à l’école, le plus souvent, durant les examens », explique Geneviève (nom fictif), étudiante à l’Université Laval. Sans prescription, certains étudiants réussissent à se procurer ce stimulant physique et intellectuel. La famille et les amis semblent être le moyen privilégié par les consommateurs pour obtenir ce médicament sans ordonnance, loin devant la vente sur le marché noir. Geneviève contourne les ordonnances médicales, car elle affirme obtenir de meilleurs résultats avec ce médicament.

« Ces petites pilules pourraient peut-être nous aider à avoir quatre ou cinq points de plus à notre examen, [ces points] sont vitaux pour accéder au programme de résidence de notre choix », commente Mireille Trembley, finissante en médecine à l’Université de Montréal. Les normes de réussite ne sont pas les mêmes d’un programme à l’autre ; il y a des domaines d’études qui forcent les universitaires à se surpasser. Parce qu’ils demandent rigueur et perfection, certains champs d’études pourraient être davantage pointés du doigt. « Notre milieu est relativement compétitif et cette compétition est un excellent moteur pour faire de nous des obsessionnels compulsifs, prêts à tout faire pour performer », déclare Mireille qui précise toutefois n’avoir jamais eu recours au Ritalin.

Conséquences multiples

Consommé dans un environnement non contrôlé, le Ritalin n’est pas utile à l’étudiant. « Une dose trop faible, et le produit n’aura aucun effet réel; une dose trop forte, et l’étudiant pourrait avoir paradoxalement de la difficulté à se concentrer », prévient Claude Rouillard, chercheur en neurosciences au Centre hospitalier universitaire de Québec.

Des conséquences physiques importantes peuvent aller jusqu’à annuler l’effet du médicament. Les étudiants pourraient se retrouver « avec des difficultés de sommeil, et pourraient ressentir une fatigue plus ou moins grande le lendemain de la prise du Ritalin, au moment de la période d’examen », dit-il.

Cet état de fatigue peut également être accompagné d’irritabilité chez l’étudiant. Les effets psychologiques sont tout aussi importants. La possibilité qu’un étudiant associe la réussite d’un examen à la prise du médicament peut s’avérer problématique. Ce faisant, pour l’étudiant, « il sera difficile de se passer [du Ritalin] au moment crucial, et cela aura comme effet d’engendrer chez lui une anxiété importante », laisse entendre M. Rouillard. Il y a des moments dans une vie où, inévitablement, il faut performer rapidement. Apprendre à gérer son stress, c’est aussi apprendre à se débarrasser d’une béquille pour toute sa vie.

Appel à l’action

Les campus universitaires sont appelés à agir par les médecins, à travers le pays. Les universités mettent en place des programmes de prévention pour l’alcool et la drogue, mais aucune campagne n’a été lancée pour les stimulants, explique Paul Hébert, l’un des auteurs de l’éditorial du Journal de l’Association médicale canadienne.

« Il n’y a jamais eu d’étude pour vérifier s’il y a un réel problème à l’Université de Montréal », confirme Thérèse Bélair, médecin généraliste au Centre de santé et de consultation psychologique (CSCP) de l’UdeM. Si aucune mesure n’a été mise en place, c’est que cette problématique ne serait pas soulevée par les étudiants en consultation au CSCP.

Au lieu de faire une campagne de sensibilisation, l’UdeM a choisi de créer un modèle interdisciplinaire afin d’empêcher les étudiants d’obtenir du Ritalin de manière officielle. Avant d’obtenir une ordonnance du médecin, les étudiants doivent être suivis par un équipe de spécialistes de l’UdeM composée de psychologues, de neuropsychologues et de psychiatres. Cette démarche leur permet rapidement d’écarter les étudiants ne souffrant pas du trouble déficitaire de l’attention.

Ainsi, selon Dania Ramirez, psychologue et coordonnatrice au Centre étudiant de soutien à la réussite, les étudiants qui désirent seulement du Ritalin pour augmenter leur performance vont se décourager d’avoir à passer devant une équipe de spécialistes.

Efficace peut-être, mais qui n’empêche pas Geneviève de voler le Ritalin de sa soeur…