Illégal. Coup de force. Tentative de putsch. Coup d’État. Voilà les termes utilisés par les multiples détracteurs, dont le Syndicat général des professeurs et professeurs (SGPUM), du projet de refonte de l’UdeM entrepris par l’administration le mois dernier. De nombreuses questions ont ainsi été soulevées lors de l’Assemblée universitaire (AU) du 23 janvier, par des membres de la communauté dénonçant la « privatisation massive de l’Université. »
N’ayons pas peur de pointer du doigt les sujets qui fâchent : l’affaire des cliniciens en médecine vétérinaire à Saint-Hyacinthe n’est pas pour rassurer la communauté quant à la bonne foi du rectorat. Rappelons qu’après l’échec des négociations de leur première convention collective, une cinquantaine de cliniciens ont été mis en lockout par l’UdeM du 22 décembre 2016 au 2 janvier 2017, sans justification aucune. Le Tribunal du travail a récemment blâmé l’Université, en la personne de la juge Marie-Claude Grignon, pour avoir « court-circuité le monopole de représentation du SGPUM et tenté d’influencer directement les cliniciens enseignants. »
Des méthodes douteuses
Une situation d’autant plus ironique que Guy Breton aime à nous expliquer « les vertus du dialogue » dans ses carnets, comme « essence de la démocratie ». Dans un même élan démocratique donc, le Conseil de l’Université a subrepticement voté le projet de loi visant à modifier la Charte de l’UdeM, le 12 décembre dernier. Le professeur au Département de science politique Laurence McFalls a ainsi mis en demeure ses membres, considérant que ceux-ci « [usurpent] les pouvoirs de l’Assemblée prévus à l’article 20 de la Charte. »
Que nous dit-il alors, ce fameux article 20 ? Que l’AU possède le pouvoir d’« énoncer les principes généraux qui président à l’orientation de l’Université et à son développement », ainsi que celui de « faire les règlements concernant le statut des professeurs et la discipline universitaire, et en surveille l’application. » Or, la résolution adoptée par l’UdeM le 12 décembre semble bien ignorer ces pouvoirs puisque elle a lancé sa démarche de modification de la Charte et des Statuts sans consulter l’Assemblée.
Par ailleurs, l’urgence du processus dérange et la justification de celle-ci par l’imminence de la prochaine session parlementaire de l’Assemblée nationale ne convainc pas. La « fenêtre est idéale pour demander une réforme de notre document fondateur », est-il indiqué sur le site de l’UdeM. Mais pour qui est-elle idéale, cette fenêtre ? Probablement pas pour la communauté universitaire qui doit étudier les amendements et en proposer de nouveaux en l’espace de quelques semaines. La secrétaire générale de la FAECUM, Andréanne St-Gelais, confirme également que les délais demeurent serrés pour faire part des modifications désirées à l’administration, qualifiant le processus de marathon.
Plus représentés, moins de pouvoir
Même si le recteur a tenté d’apaiser les esprits en présentant une seconde version de son projet de réforme le 23 janvier dernier, sa stratégie semblable à celle du « Saint-HyacinteGate » demeure donc critiquable.
Devant ces critiques, M. Breton évoque le besoin d’indépendance de l’UdeM face au gouvernement, et la nécessité de faire appel à des membres externes au sein des instances, interprétée par la communauté comme un pas vers la marchandisation du savoir. Il fait également part d’une volonté d’augmenter la représentativité des membres de la communauté universitaire au sein du Conseil de 33 % à 43 %. Or, les modifications de la Charte, « composantes de la transformation institutionnelle », comme l’indique Guy Breton en entrevue à Quartier Libre, confèrent plus de pouvoirs au Conseil de l’Université, soit au recteur lui-même. L’Assemblée Universitaire, elle, perdrait de l’influence. Une proposition qui pourrait bien remettre en question l’équilibre des pouvoirs.
Des mises à jour nécessaires
L’idée de mettre à jour la Charte n’est cependant pas à jeter aux oubliettes. N’ayant jamais été amendée depuis 1967, il subsiste en son sein des archaïsmes tels que la nomination de deux membres du Conseil de l’Université par l’archevêque de Montréal.
De plus, les modifications quant à la composition du Comité de discipline pour le personnel enseignant ne semblent pas problématiques du point de vue de la FAECUM. Ce Comité est composé en majorité de professeurs, c’est-à-dire que lorsqu’un étudiant porte plainte contre un membre du corps professoral, celle-ci est entendue par… un groupe de professeurs. « Il y a une grosse opposition des groupes syndicaux, mais au niveau de la communauté étudiante, c’est plutôt une bonne nouvelle que l’Assemblée Universitaire ne soit plus composée à majorité de professeurs dans le comité de discipline », indique Andréanne St-Gelais.
Même si certaines modifications sont légitimes, rien ne justifie les méthodes employées par M. Breton pour arriver à ses fins. À suivre…