Jack face aux stigmates

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Par Julien Tardif
mercredi 5 avril 2017
Jack face aux stigmates
Julie Zaky, Émilie Dumont, Frédérique Hervieux et Kristina Danfa, membres de Jack UdeM, lors d'un activité de sensibilisation au pavillon Jean-Brillant le 3 avril dernier. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.
Julie Zaky, Émilie Dumont, Frédérique Hervieux et Kristina Danfa, membres de Jack UdeM, lors d'un activité de sensibilisation au pavillon Jean-Brillant le 3 avril dernier. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.
Chaque année à Toronto, plus de 200 étudiants canadiens se réunissent sous la bannière « Jack » afin de discuter d’initiatives visant à améliorer la perception des troubles de santé mentale. Pour la première fois cette année, l’UdeM était de la partie et la seule institution francophone à participer au mouvement.
« On veut ouvrir le dialogue pour déstigmatiser, pour que les gens comprennent que c’est normal, mais aussi pour qu’on connaisse mieux notre propre cerveau et qu’on puisse reconnaître les signes. »
Katherine St-Jacques, bachelière en psychologie à l’UdeM.

En 2010, sur le campus de l’université Queens en Ontario, un étudiant de 18 ans prénommé Jack se donne la mort. Ses parents en deuil créent alors l’initiative Jack.org, qui encourage une ouverture et une écoute face aux troubles de santé mentale en favorisant la communication d’étudiant à étudiant. Pour eux, le jugement et la stigmatisation envers les troubles de santé mentale, entre autres, ont poussé Jack à demeurer seul avec son problème plutôt qu’à en parler. Leur mouvement a trouvé un écho au-delà de la communauté ontarienne.

« Une personne sur cinq va souffrir d’un trouble de santé mentale dans sa vie, explique la leader de la section UdeM de Jack.org et étudiante de troisième année au baccalauréat en psychologie à l’UdeM, Julie Zaky. De ces personnes, seulement une sur quatre va aller chercher de l’aide. C’est trop peu et, si on voulait que tous ceux qui souffrent demandent de l’aide, il manqueraitde ressources. » C’est après avoir constaté ce manque de ressources efficaces face à l’ampleur du problème et en se basant sur leurs expériences personnelles que Julie et ses camarades ont décidé de démarrer une section Jack à l’UdeM.

Projets concrets

Jack.org se veut complémentaire aux ressources déjà existantes. Loin de vouloir diagnostiquer des troubles, les membres de l’équipe préconisent une écoute active basée sur la discussion et sur l’ouverture à l’autre et à soi-même. Pour les membres du réseau, améliorer la connaissance du problème en rejoignant le plus d’étudiants possible, même ceux qui ont un malaise avec le sujet, permet de favoriser la communication et de briser les tabous.

Le « Jack Summit » a permis à l’équipe de Julie de noter plusieurs idées mises en place ailleurs et qui pourraient servir à l’UdeM. Ainsi, une ligne d’écoute gratuite est instaurée à l’Université Concordia et un centre de crise est ouvert tous les jours pour les étudiants de l’Université McGill. « Ça manque vraiment à l’UdeM, où le temps d’attente peut être très long », confirme l’étudiante de première année au baccalauréat en sciences biologiques de l’UdeM Kristina Danfa.

L’UdeM compte un soutien à la consultation psychologique, une clinique de psychologie tenue par des doctorants et une conseillère en orientation qui peut aider les étudiants, ce qui demeure toutefois insuffisant, d’après les membres de Jack UdeM. « Le soutien psychologique prend beaucoup de temps à se mettre en place, remarque Kristina, qui veut se réorienter en médecine. Quand j’ai commencé l’université, je ne me sentais vraiment pas bien, j’étais stressée, anxieuse. J’ai fait une demande pour un suivi psychologique, mais je n’ai pas eu de réponse avant trois mois. J’ai lâché mes cours. »

Écoute active

Une piste de solution préconisée par Jack est la décomplexion du discours autour des troubles mentaux. « La conscience doit changer face à la santé mentale, indique la bachelière en psychologie à l’UdeM Katherine St-Jacques. Il y a eu beaucoup d’efforts mis sur l’importance de la santé physique récemment, et la santé mentale mérite le même traitement. On veut ouvrir le dialogue pour déstigmatiser, pour que les gens comprennent que c’est normal, mais aussi pour qu’on connaisse mieux notre propre cerveau et qu’on puisse reconnaître les signes. »

C’est d’autant plus vrai sur un campus universitaire selon elle, où la pression de performance peut susciter du stress, de l’anxiété ou même de la dépression. « Au cégep, j’ai fait une dépression, confie Julie. Mais je ne le savais pas. Je me trouvais paresseuse, sans énergie. Je culpabilisais et je sais que je ne suis pas la seule à penser ainsi. Beaucoup d’étudiants le vivent. » Julie note d’ailleurs que le premier kiosque Jack, au pavillon Jean-Coutu à l’UdeM, a permis d’observer que si beaucoup d’étudiants connaissent un grand stress à l’école, la plupart trouvent cela tout à fait normal. Les membres de Jack UdeM comptent répéter l’expérience aussi souvent que possible, dans les différents pavillons du campus.

Vers une évolution

Au cours de leur développement, les enfants apprennent à être l’écoute de leurs besoins, à bien manger et dormir, et à maintenir une bonne hygiène de vie. Pour Jack UdeM, la santé mentale devrait faire partie intégrante de ces apprentissages de base. « L’expression « santé mentale » fait peur, c’est encore trop associé à la folie, et c’est ce qui doit changer », pense Katherine.

Pour Julie, ce changement peut s’effectuer de deux façons. « Soit par la révolution, le chaos, soit par l’évolution, lance-t-elle. Nous, notre travail, c’est de provoquer l’évolution et le changement, de les propulser. » En favorisant une discussion sur le campus, par le moyen des kiosques et de futures conférences, l’équipe espère être en mesure de changer les perceptions et de favoriser une plus grande ouverture.

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