« Il y a encore beaucoup de travail à faire »

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Par Timothée Beurdeley
vendredi 8 avril 2016
« Il y a encore beaucoup de travail à faire »
Brigitte Stanké est professeure à l'École d'orthophonie et d'audiologie de l'UdeM. Courtoisie Brigitte Stanké
Brigitte Stanké est professeure à l'École d'orthophonie et d'audiologie de l'UdeM. Courtoisie Brigitte Stanké
Mieux diagnostiqués qu’avant, les troubles d’apprentissage en milieu universitaire restent un champ de recherche en pleine évolution. Rencontre avec la professeure adjointe à l’École d’orthophonie et d’audiologie de l’UdeM Brigitte Stanké qui analyse l’évaluation et la prise en charge des étudiants concernés au sein des universités.

Quartier Libre : A-t-on une idée de la prévalence (nombre de cas) des troubles d’apprentissage chez les étudiants ?

Brigitte Stanké : On sait que 5 à 10 % de la population générale présente un trouble d’apprentissage (TA). La prévalence a beaucoup augmenté ces dernières années au cégep et à l’université pour deux raisons. Premièrement, le dépistage s’est amélioré grâce à une meilleure connaissance de l’origine de ces troubles. On peut intervenir de façon plus précoce et limiter le développement de grands TA. Deuxièmement, les mesures d’accommodement mises en place pour ces élèves au primaire et au secondaire réduisent l’échec scolaire, ce qui permet à un plus grand nombre d’entre eux d’accéder au cégep et à l’université.

Q.L. : Quelles sont ces mesures d’accommodement dont bénéficient les étudiants présentant des troubles d’apprentissage ?

B.S. : Ils sont autorisés à utiliser des outils technologiques d’aide tels qu’un réviseur orthographique ou une synthèse vocale. Ils peuvent faire appel à un preneur de notes, qui est souvent un étudiant de la même classe rémunéré pour partager ses notes. Tous ces frais sont à la charge des étudiants. Ils peuvent aussi bénéficier d’un peu plus de temps lors des examens. Au primaire et au secondaire, les élèves présentant un TA n’ont pas besoin d’être formellement diagnostiqués pour bénéficier de toutes ces accommodations. En revanche, le diagnostic doit être posé pour en bénéficier au cégep et à l’université, ce qui peut poser certains problèmes aux étudiants.

Q.L. : Quels genres de problèmes ?

B.S. : Tout à coup, ces élèves se trouvent privés des outils d’aide qu’ils ont utilisés tout au long de leur scolarité. Ils ont vraiment besoin de ces outils pour réussir leur cursus. Le diagnostic doit être posé par un neuropsychologue ou un orthophoniste et est quand même assez cher. Cela peut aussi prendre du temps avant d’obtenir un rendez-vous. Néanmoins, si le diagnostic a été posé au cégep, l’université fait preuve d’une certaine souplesse en autorisant les outils d’aide jusqu’à ce qu’un diagnostic plus récent soit effectué.

Q.L. : La communauté universitaire est-elle sensibilisée aux problèmes posés par les TA ?

B.S. : De plus en plus oui, mais il y a encore des progrès à réaliser. Certains professeurs sont encore opposés à l’utilisation d’outils technologiques d’aide, qu’ils associent à de la triche. L’amélioration de la prise en charge de ces troubles à l’université passe surtout par la formation et la sensibilisation des enseignants. Le service d’aide aux étudiants de l’UdeM organise des séances d’information sur le sujet, et il faudrait que chaque directeur de département fasse une demande pour sensibiliser les professeurs. La séance organisée pour l’École d’orthophonie et d’audiologie et pour le Département d’ergothérapie a seulement attiré cinq professeurs. Il y a encore beaucoup de travail à faire.