Homme dynamique, Homme-dynamo

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Par Antoine Palangie
mardi 19 avril 2011
Homme dynamique, Homme-dynamo

L’être humain et l’animal sont restés très longtemps la seule source de force motrice disponible à la demande. Maintenant que les machines font l’essentiel du travail et que nous engraissons dans nos vies trop sédentaires, pourquoi ne pas récupérer l’énergie des individus ? Future journée type d’un adepte du mouvement citoyen.

8heures, sous la couette par une matinée ensoleillée. Je prends le temps de sentir la chaleur de mon corps, les battements de mon coeur, le soulèvement de ma poitrine, la rumeur sourde du sang qui circule. J’imagine mon corps qui s’éveille comme une centrale énergétique.

8h30, le nez dans mon bol de céréales. De ce que j’avale, environ 20 % fourniront du mouvement et 80 % de la chaleur. Notre corps émet en permanence autour de 80 watts thermiques — autant qu’une grosse ampoule à filament —, et cette chaleur augmente avec l’activité physique: mettre 15 personnes dans une pièce, c’est comme y installer une plinthe électrique de 4 pieds ! Le journal que je feuillette explique justement que la Gare Centrale de Stockholm va récupérer l’énergie dégagée par les 250000 voyageurs qui y transitent chaque jour : une simple pompe à chaleur dans le système de ventilation, et hop! On économise 20 % du chauffage des bureaux de la bâtisse.

9 heures, je marche rue Saint-André vers la borne de BIXI la plus proche. Mes pas euxmêmes sont une forme d’énergie. En Hollande, des ingénieurs ont récemment développé des dalles faites d’un matériau piézoélectrique – qui génère du courant quand il se déforme – qui produisent de l’électricité quand les pieds pèsent dessus. On peut ainsi récupérer environ 8 watts par marcheur.

C’est peu, mais nos pas sont nombreux, et les marcheurs encore plus nombreux. Les 9 000 enjambées quotidiennes d’un adulte en bonne santé donneraient assez d’électricité pour faire tourner un aspirateur pendant 6 minutes. Un projet pilote à la gare Victoria de Londres compte exploiter les pas des 34 000 usagers pressés qui traversent la gare durant chaque heure de pointe : dans ce cas, on pense récupérer chaque jour pas moins de la consommation électrique annuelle de 60 foyers québécois.

À cinq minutes de là, j’ouvre la grille du parc où se trouvent les BIXI. Encore un mouvement, donc de l’énergie… À la gare de voyageurs de Driebergen-Zeist (en Hollande, encore), une porte tournante expérimentale génère 4600 kWh chaque année, assez pour alimenter tous les distributeurs automatiques. Et avec un vélo? Pas facile d’alimenter le réseau à partir d’un objet mobile, d’autant que capter une part de l’énergie ralentit le déplacement. Il faut donc se limiter aux cas où l’on maximise volontairement l’effort, comme un vélo d’appartement.

En France, des subventions aident les 2,7 millions de chômeurs à acheter un vélo d’intérieur qui produit de l’électricité revendue au réseau pour environ 80 cents le kilowattheure. Leur puissance cumulée pourrait atteindre 270 MW, soit environ l’équivalent de 90 des plus grosses éoliennes. La réinsertion par le jarret, tout un programme!

17h30, j’entre dans ma salle d’entraînement, LE lieu par excellence de la dépense d’énergie massive et volontaire. Une véritable centrale musculaire. À chaque push-up avec 170 livres de fonte, c’est 100 calories que je brûle. Remplacez les poids par une dynamo, et je fournirai 400W d’électricité, de quoi alimenter trois télés plasma grand écran. Dans des clubs à Washington et New York, une vingtaine d’appareils produisent déjà de quoi alimenter une maison moyenne, ce qui réduit radicalement leur facture. S’entraîner intelligemment, qui l’eût cru?

22 heures, dans une boîte de nuit de Sainte- Catherine, je regarde la foule s’agiter: un danseur, c’est un peu comme un marcheur très excité. En Hollande, toujours, une boîte de nuit a installé sur sa piste de danse les mêmes dalles piézoélectriques que pour les piétons de la gare Victoria. Résultat, on récupère deux à trois fois plus d’énergie grâce au Saturday Night Fever que grâce au 9 à 5. Sans surprise.

2 heures du matin, en rentrant chez moi, je marche main dans la main avec Marieke, une charmante Hollandaise, Décidément rencontrée deux heures plus tôt. Dommage que mon lit ne soit pas équipé d’un système de récupération d’énergie, je me sens d’humeur à faire sauter les compteurs.