Fini Gentilly-2, fini la recherche en génie nucléaire?

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Par Vincent Allaire
mardi 27 novembre 2012
Fini Gentilly-2, fini la recherche en génie nucléaire?
La fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2 a de lourdes conséquences sur la recherche en génie nucléaire à l'École polytechnique. (Crédit : ax/flickr.com)
La fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2 a de lourdes conséquences sur la recherche en génie nucléaire à l'École polytechnique. (Crédit : ax/flickr.com)

La fermeture de la centrale nucléaire de Gentilly-2 a des répercussions à l’École polytechnique: Hydro-Québec met fin à 24 années de financement de la recherche en génie nucléaire. L’avenir de la recherche en génie nucléaire à la Polytechnique est même remis en question.

Le titulaire de la chaire industrielle Hydro-Québec en génie nucléaire, Jean Koclas, a reçu une mauvaise nouvelle en juin dernier par courriel . Hydro-Québec l’informait qu’à moins que le gouvernement du Québec décide de laisser la centrale nucléaire ouverte, le versement des fonds à sa chaire cesserait dès l’année prochaine. L’annonce officielle de la fermeture de Gentilly-2 en octobre a confirmé la nouvelle (voir encadré). 

Le dernier versement à la chaire, une somme de 300000 $ octroyée par Hydro-Québec, remonte au 3 avril 2012. La première moitié de ce montant sert à payer le directeur de la chaire, Jean Koclas, et l’autre les six à sept étudiants de cycles supérieurs  .

M. Koclas a redirigé nos questions vers le directeur de l’Institut de génie nucléaire, Guy Marleau. «C’est un choc global et important au sein l’Institut de génie nucléaire », commente M. Marleau. L’Institut de génie nucléaire existe depuis 1970 à l’École polytechnique. Huit professeurs et plus d’une trentaine d’étudiants diplômé s y font de la recherche.« L’Université ne finance pas la recherche, dit M. Marleau. C’est le professeur qui a la responsabilité de trouver ses propres fonds de recherche. Quand [les organismes subventionnaires] enlèvent leur soutien, ça crée un manque », explique-t-il  .

Le directeur de la recherche et de l’innovation à l’École polytechnique de Montréal, Gilles Savard, se fait rassurant. «Ce n’est pas catastrophique, dit-il. Ça arrive que des chaires se terminent. Nous avons d’excellentes relations avec Hydro- Québec.» La société d’État finance encore deux autres chaires à l’École polytechnique, une sur l’optimisation du réseau électrique et l’autre sur l’analyse du cycle de vie. L’Institut, quant à lui, bénéficie toujours du financement d’autres organismes, tels Énergie atomique du Canada limitée et Électricité de France  .

M. Marleau dit comprendre le geste d’Hydro-Québec. «Pourquoi continuerait- on à investir en génie nucléaire s’il n’y a plus de centrale ? » s’interroge-t-il. La chaire existait depuis 1988. La centrale Gentilly était en activité depuis 1983. Un autre professeur de l’Institut, Alain Hébert, va aussi dans ce sens.«Le nucléaire n’est plus considéré comme une technologie utile pour le Québec, explique-t-il. Ce sera difficile de recruter de nouveaux étudiants.»

À court terme, aucun étudiant n’est touché directement. « Les professeurs tentent par tous les moyens de donner des fonds aux étudiants », dit M. Marleau. Les conséquences se font par contre sentir dès cette session. «On n’accepte pas de nouveaux étudiants. Ça empêche le développement de la recherche», commente-t-il.

Un étudiant voulant conserver l’anonymat dit avoir rencontré un étudiant qui n’a pas pu être admis à la maîtrise, parce qu’il n’y avait plus d’argent pour de nouveaux étudiants. Il mentionne aussi que les professeurs n’embaucheront plus d’étudiants au doctorat à leur frais.

 Quel avenir ?

L’avenir de l’Institut est même compromis. «Ça paraît inévitable que l’Institut ferme,  e x p l i q u e M. Hébert. Sans centrale nucléaire [dans la province], on risque de disparaître à court ou à moyen terme. C’est 40 ans d’expertise qui risquent d’être perdue», dit-il.

Deux étudiants en première année de doctorat à l’Institut, Medhi et Raouafi, sont aussi inquiets pour le long terme. «Où va-t-on travailler ?», se demande Medhi. Les deux doctorants ont manifesté en septembre afin de garder la centrale ouverte. «J’aime le Québec, mais je vais choisir un autre pays pour travailler», reconnaît Raouafi, originaire de Tunisie.

Même M. Hébert se questionne. «Je suis en train de me poser des questions sur mon avenir professionnel », avoue-t-il. « Les perspectives d’emploi ont diminué, c’est assez évident », reconnaît M. Savard. Il demeure toutefois optimiste. « Je ne crois pas que l’Institut disparaisse à moyen terme. Notre expertise est reconnue à travers le monde», expliquet- il. « L’énergie nucléaire est là pour rester. J’y crois et je ne suis pas le seul», dit M. Savard.

« Dans le contexte actuel au Québec, on n’a plus notre nécessité pour Hydro-Québec, mais on a encore notre utilité au Canada», analyse M. Marleau. Avec la fermeture de Gentilly-2, il reste quatre centrales en activité dont trois en Ontario et une au NouveauBrunswick.

 

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REPÈRES

3 Avril : Hydro-Québec verse 300000 $ à la chaire industrielle Hydro-Québec en génie nucléaire.

Fin juin : Hydro-Québec suspend les futurs versements à la chaire.

4 septembre : Élection de Pauline Marois, qui a promis de fermer la centrale nucléaire de Gentilly-2.

3 octobre : Hydro-Québec annonce la fermeture définitive de Gentilly-2 à la fin 2012. La fermeture de la centrale s’échelonnera sur 50 ans et coûtera 1,8 milliard de dollars.