Financement : Quel lien avec la défense?

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Par Lindsay-Anne Prévost
mercredi 25 février 2015
Financement : Quel lien avec la défense?
Dans la fin de la décennie 2000, l’ancêtre du CEPSI, le GERSI a donné une multitude de conférences et d’études sur la mission militaire canadienne et sur le rôle des soldats canadiens en Afghanistan.
Dans la fin de la décennie 2000, l’ancêtre du CEPSI, le GERSI a donné une multitude de conférences et d’études sur la mission militaire canadienne et sur le rôle des soldats canadiens en Afghanistan.
Les étudiants des cycles supérieurs sont invités à soumettre des propositions de communication sur des enjeux liés à la sécurité internationale et à la gouvernance mondiale à l’occasion du 2e colloque annuel du Centre d’études sur la paix et la sécurité internationale (CEPSI : UdeM-McGill), qui aura lieu le 12 mars prochain. Quartier Libre se penche sur les liens entretenus entre le ministère de la Défense nationale et la recherche en études militaires et stratégiques à l’UdeM.
« Si la seule personne qui a une expertise sur les questions militaires est l’armée elle-même, alors là il y a un problème. »
Olivier Schmitt, Chercheur postdoctoral de l’UdeM et membre du CEPSI

Jusqu’à il y a environ deux ans, le CEPSI, qui développe des projets de recherche et offre une formation sur les questions liées à la paix et à la sécurité internationale, bénéficiait d’une subvention de la part de la Défense nationale par l’entremise du Forum sur la sécurité et la défense (FSD). Ce programme de bourses d’études de 2,5 millions de dollars par année visait, selon le bilan annuel du FSD de 2009-2010, à « développer et appuyer des compétences universitaires canadiennes solides dans le domaine de la sécurité et de la défense. »

Toujours selon ce même bilan, la subvention accordée au CEPSI était, à cette époque, de 120 000 $. La Défense nationale n’aurait toutefois exercé aucune influence sur le Centre d’études via cette subvention, selon le fondateur et ancien directeur du CEPSI, également professeur honoraire au Département de science politique de l’UdeM, Michel Fortmann. « La Défense nationale n’imposait ni des conférenciers ni un programme, soutient-il . Nous étions totalement autonomes dans la mise sur pied du programme d’enseignement et du programme de recherche. »

Le financement du CEPSI aurait été coupé dans le cadre des compressions budgétaires conservatrices. « Le gouvernement nous a demandé si nous étions utiles à la Défense et nous avons répondu par l’affirmative puisque nous faisons des recherches sur les questions de fond en matière de sécurité, raconte M. Fortmann. Ils nous ont dit que les fonctionnaires, dans leur travail de tous les jours, n’ont pas besoin de nos recherches, donc ils ont coupé le financement. » Selon M. Fortmann, ce type de coupe a également eu lieu dans d’autres domaines de recherche.Désormais, le CEPSI est financé grâce à des fonds accordés directement par l’UdeM.

L’étudiante au baccalauréat en science politique Charlotte Lallemant conçoit cette décision du gouvernement fédéral. « Le Canada est un pays qui est très pacifique, avec peu de menaces et sans risque direct envers les grandes organisations, en tout cas pour l’instant, croit-elle. Alors en se mettant à la place du gouvernement, je comprends que ce centre pouvait apparaître, auprès de certains fonctionnaires, comme étant superflu. »

Le CEPSI ne serait impliqué dans aucun soutien militaire, selon M. Fortmann. « Il est possible que l’Université McGill ait été impliquée dans des recherches plus concrètes sur des systèmes d’armes par exemple, ou plus techniques, mais le CEPSI est vraiment axé sur les relations internationales », affirme-t-il.

Partage d’expertise mitigé

Le chercheur postdoctoral de l’UdeM et membre du CEPSI Olivier Schmitt admet que l’expertise des spécialistes est convoitée par l’armée lorsque celle-ci veut mieux comprendre certaines dynamiques politiques sur un sujet. « Je n’ai jamais été financé par l’armée pour faire un projet de recherche, témoigne le chercheur, également réserviste pour la Marine nationale française. Par contre, l’armée me consulte souvent pour des questions politiques, mais je ne me prive pas de leur dire ce que je pense de telle ou telle situation. »

Laurent Lafrance, l’un des organisateurs d’une future branche du club officiel d’étudiants et de jeunes internationalistes pour l’égalité sociale (EJIES) — un club qui s’oppose à l’impérialisme et qui est sur le point de naître à l’UdeM — s’inquiète des liens que peut entretenir l’armée avec les centres d’études axés sur le militarisme.« Si les études militaires sont utilisées par l’armée, il peut y avoir une intégration directe de celle-ci dans les universités, explique-t-il. Il y a également des risques que le savoir et les capacités des étudiants soient utilisés pour renforcer et développer l’armée. »

La guerre sous toutes ses nuances

Au CEPSI, la recherche de la paix, l’analyse des conflits et les enjeux qui entourent l’utilisation de la force armée sont des sujets abordés parmi d’autres afin d’amener les étudiants à développer leur opinion critique, selon M. Fortmann. « La violence est un fait avéré en relations internationales donc c’est normal qu’on s’y intéresse, qu’on l’étudie ou qu’on mène des recherches à ce sujet, explique-t-il. Il ne s’agit pas du tout de présenter ou de défendre la politique de défense canadienne. »

Selon M. Schmitt, développer la connaissance des étudiants en matière de paix et de sécurité permet de fournir une expertise différente et de remettre en cause le discours entretenu par l’armée. « Si la seule personne qui a une expertise sur les questions militaires est l’armée elle-même, alors là il y a un problème », souligne-t-il.

Pour sa part, Laurent Lafrance se questionne sur la nécessité de former des étudiants qui pourront travailler avec la Défense nationale.« Ce qui est nécessaire, ce sont les besoins sociaux des citoyens : l’éducation, la santé, les emplois, croit l’organisateur. La guerre et le militarisme ne font pas partie de ces besoins. » Selon lui, les cours d’histoire et de sociologie sont offerts pour tirer les leçons des guerres passées.

« Le nouveau type de financement combiné au changement de directeur du Centre a changé les orientations de ce dernier », assure le nouveau directeur du CEPSI et professeur titulaire au Département de science politique, Jean-Philippe Therien. Fondé en 1996, le Centre était anciennement connu sous le nom de Groupe d’étude et de recherche sur la sécurité internationale et était axé principalement sur les études de sécurité.

1943 • À l’origine de la fabrication de la première bombe atomique L’aile ouest du pavillon Roger-Gaudry abrite un laboratoire où des scientifiques des forces alliées travaillent à mettre au point un réacteur nucléaire à eau lourde entrepris dans le cadre du projet Manhattan. Ces travaux de recherche aboutiront à la production de la première pile atomique à fonctionner en dehors des États-Unis.

1957 • MK-Ultra Le Dr Donald Ewen Cameron dirige l’institut Allan Memorial affilié à l’Université McGill. Entrepris par la CIA, le Dr Cameron exécute des recherches sur la modification comportementale qui consistait à effacer la mémoire du sujet et à la reconstruire complètement.

2010 • Manœuvrage autonome et atterissage de petits drones de combats Des documents obtenus par l’organisme Demiltarize McGill par le biais de la loi de l’accès à l’information du Ministère de la défense ont révélé que la professeure Inna Sharf et son équipe du laboratoire aérospatial mécatronique participaient au développement de drones terrestres et aériens pour usage militaire. Pour un montant de 380 000 $, l’équipe d’Inna Sharf développe une technologie supposée, selon les documents obtenus, de « contribuer aux opérations décisives en combat dans l’espace urbaine ».

 

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