Féminisme ce mot qui fait peur

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Par Anastassia Depauld
vendredi 28 novembre 2014
Féminisme ce mot qui fait peur
Illustration : Lydia Képinski
Illustration : Lydia Képinski
Le magazine Time a publié le 13 novembre dernier les résultats d’un sondage annuel sur les mots à bannir de notre vocabulaire. Le mot « féministe » en faisait partie. Entre le discours d’Emma Watson et le mouvement Femen, le terme prend différents sens et fait peur à certains étudiants.

« Cest un mot qui a été utilisé à toutes les sauces et il ne veut plus dire la même chose aujourd’hui qu’à l’époque de nos mères, estime l’étudiante au microprogramme en enseignement postsecondaire à l’UdeM Andréanne Gingras. On est rendu quelques générations plus loin, on a de nouveaux enjeux. »

En 2012, la Fédération des associations étu­diantes du campus de l’UdeM (FAECUM) avait décidé de retirer le mot « féministe » de sa politique d’intégration des femmes aux instances de la Fédération. Quartier Libre a rapporté le 3 avril 2012 que la secrétaire générale de l’époque, Stéphanie Tougas, jugeait le mot trop engagé.

« La plus principale raison pour laquelle le mot féminisme est mal compris, c’est que le concept est mal présenté aux gens », soutient pour sa part l’étudiant en philosophie et membre de la Société Féminismes et Philosophies à l’UdeM (SoFéPUM) Samuel Montplaisir. Selon lui, le féminisme peut prendre plusieurs formes, mais il est à la base un mouvement visant l’égalité entre les hommes et les femmes dans la société.

La professeure au Département de sociologie de l’UQAM et responsable du Réseau québécois en études féministes (RéQEF), Francine Descarries, estime que la mauvaise perception du mot « féministe » ne date pas d’hier. « Tous les mouvements sociaux qui visent à renverser des rapports de pouvoir sont toujours consi­dérés comme quelque chose de menaçant, croit-elle. La façon de contrer un tel mouvement, c’est d’en offrir une image négative. »

Égalitarisme

Au-delà des perceptions, certains étudiants jugent que le mot « féministe » n’est plus suf­fi­samment inclusif. « Je me sens égalitariste, car féministe, ça limiterait mon action aux femmes alors que c’est envers tout le monde qu’il faut agir », confie l’étudiant au DESS en design de jeux Ludovic Riffiod.

Selon la professeure au Département de philosophie de l’UdeM Ryoa Chung, le fémi­nisme dépasse l’égalité homme-femme et vise à repenser les injustices dans le monde. « Certaines féministes vont défendre un avancement des droits des femmes, mais vont aussi se battre contre toutes les discriminations faites en raison de leur appartenance ethnique , soutient-elle. On a vu ça dans le black feminism et avec les féministes musulmanes. »

L’intégration des hommes dans le féminisme est aussi l’une des raisons qui poussent certains étudiants à vouloir se dissocier de ce terme. « Des gens pensent que le féminisme ne pense qu’aux privilèges des femmes et qu’il adopte un discours de ressentiment envers les hommes », explique Ryoa Chung.

Francine Descarries précise néanmoins que le féminisme ne vise pas à renverser les rôles de domination au détriment des hommes, mais tente plutôt d’établir un respect mutuel. « C’est un mouvement en faveur de la fin des injustices, et être égal ne veut pas dire être supérieur », précise-t-elle.

Diversité

L’hétérogénéité du mouvement peut aussi être effrayante pour certains. Entre les fémi­nistes musulmanes et les féministes socialistes, par exemple, les idées et les moyens d’action sont très différents. « Le mouvement Femen, par le fait de montrer la nudité, dénigre le mouvement féministe », pense Ludovic Riffiod, mal à l’aise devant ce phénomène. Sur la place publique, le groupe a fait parler de lui, mais plutôt de façon négative selon l’étudiant.

Le fait d’éliminer le mot « féminisme » par dégoût pour Femen constitue toutefois une réaction exagérée, croit Samuel Montplaisir.« C’est comme dire : “j’ai peur d’être de gauche, car j’ai peur des marxistes léninistes”, juge-t-il. Tu prends un pan de la pensée féministe, puis tu décides de tout rejeter à cause de ça. »

Sur la place publique, l’actrice Emma Watson semble avoir conquis plus de cœurs avec son discours à l’ONU pour HeForShe, alors que son message concernait entre autres les hommes. Selon la professeure Ryoa Chung, il faut toutefois faire attention à l’effet de mode qui ne permet pas toujours de comprendre la signification de ce mot aux multiples interprétations.

Mohamed

Mohamed Ali Benali

Biologie

C’est une bonne chose que des fi­gures publiques prennent position, mais il faut que ça soit fait dans le bon sens. Il faut dépasser les clichés, dans les années 1970, le féminisme n’était pas le même.

 

Cire

Ciré Aw

Pédagogie

C’est une bonne chose, car l’opi­nion publique bouge avec les ­leaders ! Il ne faudrait pas voir les relations hommes-femmes comme des relations dominants-dominés.

 

Karen

Karen Darmouni

Économie

Moi, j’ai beaucoup aimé. Ça m’a touché ce qu’elle a dit, elle avait ­raison.

 

Camille

Camille Goyens

Communication

Ça n’a pas fondamentalement changé mon opinion, mais ça m’a ouvert les yeux sur le fait que les hommes sont aussi concernés par le débat.

 

Franck 

Franck Senet

Psychologie

C’était bien, il faut que des célé­brités prennent position.