Faire appel à la collectivité

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Par Zacharie Routhier
mercredi 31 janvier 2018
Faire appel à la collectivité
Le groupe Saligaude a utilisé la plateforme Indiegogo pour aider au financement de son premier album, L’humeur des calorifères. (Photo : Courtoisie Louis-Vincent Perras)
Le groupe Saligaude a utilisé la plateforme Indiegogo pour aider au financement de son premier album, L’humeur des calorifères. (Photo : Courtoisie Louis-Vincent Perras)
Pour soutenir leurs projets musicaux, certains artistes émergents se tournent vers les plateformes de sociofinancement. Celles-ci leur permettent notamment d’obtenir des revenus dès les premières étapes de leur processus de création.

Après avoir payé de leur poche leur premier EP* Poivre et sable, sorti en 2015, le groupe Perdrix a choisi d’utiliser le financement participatif afin de régler partiellement la note de son nouvel album. « Si tu n’as pas de maison de disques qui t’approche, il faut que tu te démerdes toi-même, raconte la chanteuse du sextuor et étudiante à la mineure en musique, art et société, Mariève Harel-Michon. À ce moment-là, on s’est dit : le crowdfunding, ça marche. »

Le groupe de musique traditionnelle progressive Saligaude a eu une démarche similaire pour réaliser son premier disque. « La production musicale s’est démocratisée, estime l’étudiant au baccalauréat en musicologie et membre du groupe, Thierry Clouette. Elle est sortie des studios professionnels. »

Pleins pouvoirs, pleines responsabilités

Selon Thierry, le sociofinancement comporte son lot d’avantages. « L’argent qu’on amasserait dans les premières semaines en sortant l’album, finalement, on l’a avant même qu’il ne sorte, se réjouitil. En plus, ça fait de la promo. »

Mariève abonde dans le même sens. « Il y a une espèce de lien qui se crée entre les musiciens et les gens qui donnent », affirmetelle. Son groupe offrait notamment aux donateurs la possibilité d’intégrer leurs noms à une chanson, en échange d’un certain montant.

Si ce mode de financement donne aux artistes une certaine indépendance, il vient cependant avec de nombreuses tâches connexes, puisqu’il place les artistes au cœur des technicités du processus de production et de distribution de leurs albums. « Il n’y a personne en haut qui te dit : “ Vous avez juste à être bon, on s’occupe du reste ” », illustre Thierry, dont le groupe a effectué seul l’essentiel de la réalisation de son album.

L’expérience de Perdrix a été différente, puisque le groupe a préféré s’entourer de collaborateurs.

Nouvelle réalité

« Avant, tu chantais dans un bar, quelqu’un était là, puis il disait : “ Hey, on va faire un disque ” », explique Thierry. Aujourd’hui, il pense qu’il faut davantage se démarquer par soimême, avant d’avoir la chance de signer un contrat.

Mariève souligne quant à elle un manque de moyens dans le milieu. « Les maisons de disques vont t’approcher quand ton album est fait, parce qu’ils n’ont pas assez d’argent pour t’aider à le produire », précise la chanteuse de Perdrix.

Pour la gestionnaire de stratégie de campagne pour la plateforme de sociofinancement Indiegogo, Alana Jesse, les possibilités offertes par cette petite révolution sont particulièrement adaptées à la réalité des musiciens. Selon elle, ces artistes sont traditionnellement très dépendants de leur réseau de contacts professionnels. « Le financement participatif marche bien, puisqu’il permet aux groupes et aux artistes d’aller rejoindre directement ceux et celles qui veulent entendre leur musique », expliquetelle. Un portrait, réalisé par Radio-Canada en 2016 et 2017**, indique que les projets musicaux sont troisièmes en termes de nombre de dons sur Indiegogo, tout juste après les films et les projets communautaires.

Pour ce qui est de l’aide gouvernementale, Mariève est plus optimiste. « Il y en a, des subventions », assuretelle. Cependant, le financement participatif s’est avéré une alternative plus alléchante pour Perdrix, en raison du meilleur rapport entre énergie investie et résultats. Interrogé sur le même sujet, le chanteur de Saligaude dit avoir également mis de côté les demandes de bourses, par manque de temps.

Lancements
L’humeur des calorifères de Saligaude
10 février 2018
Espace Day & Night | 900, rue Ontario Est
Rock Poutine de Perdrix
29 mars 2018
Quai des brumes | 4481, rue Saint-Denis


* EP : De l’anglais extended play. Format musical plus long que celui d’un single, mais plus court que celui d’un album.

** Source : http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/special/2017/04/kickstarter-indiegogo-projets-campagnes-sociofinancement- entrepreneurs-web/index.html