Expériences éthiques

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Par Chloé Dioré de Périgny
lundi 18 mars 2019
Expériences éthiques
Le Conseil canadien de protection des animaux offre des séminaires en ligne destinés aux membres des comités de protection des animaux, aux scientifiques et aux professionnels du bien-être animal. Photo : Pxhere.com
Le Conseil canadien de protection des animaux offre des séminaires en ligne destinés aux membres des comités de protection des animaux, aux scientifiques et aux professionnels du bien-être animal. Photo : Pxhere.com
Les étudiants et chercheurs de l’UdeM peuvent être amenés à effectuer des expériences en laboratoire sur des animaux. Ils doivent cependant respecter les règles du Comité d’éthique, qui contrôle les protocoles et veille à ce que ces tests constituent un dernier recours.

«La recherche [sur les animaux] n’est autorisée que lorsqu’il n’y a aucune autre alternative pour obtenir des résultats scientifiques valides », déclare la directrice du Bureau de la conduite responsable en recherche, Ghislaine Cleret de Langavant. Tous les protocoles doivent être approuvés par un comité de protection, qui demande systématiquement de remplacer les animaux lorsque c’est possible, selon elle. Il peut s’agir de substituer les petits mammifères par des vers ou des drosophiles, ou encore de recourir à des modèles inanimés, en particulier pour les cours.

Le principe des trois « R », soit le remplacement, le raffinement et la réduction du nombre d’animaux utilisés, est obligatoire, selon la politique du Conseil canadien de protection des animaux (CCPA). En plus de cette législation fédérale et de la politique provinciale en la matière, l’Université applique également une législation propre, qui encadre toute recherche menée sur des animaux, explique Mme Cleret de Langavant.

Des expériences encadrées

Avant de pouvoir manipuler les animaux en laboratoire, les chercheurs et étudiants de cycles supérieurs doivent obligatoirement suivre une formation éthique théorique et apprendre le fonctionnement des animaleries. L’ancien étudiant au baccalauréat en sciences biomédicales Olivier Desmarais déclare aussi avoir eu des cours sur les codes de conduite éthique avant d’accéder au laboratoire. Ces codes stipulent notamment de rester calme en tout temps et de ne manipuler l’animal qu’en présence du démonstrateur.

« Les tests sont bien encadrés pour que l’animal souffre le moins possible, dit l’étudiant qui a réalisé une expérience d’immunologie d’environ un mois sur un rongeur vivant, avant de prélever sa rate pour y étudier les anticorps produits. Avant de tuer la souris, on lui a donné un somnifère, et c’est seulement quand on était sûrs qu’elle ne réagissait plus qu’on a pu procéder. » Il explique que la méthode consiste à séparer d’un coup sec le tronc cérébral de l’animal, pour lui garantir une mort rapide.

« Avant, j’imaginais les expérimentations sur les animaux comme des gens en blouse qui fouillaient dans les lapereaux, et maintenant je vois ça comme un immense processus impliquant des dizaines de garde-fous pour assurer l’éthique», soutient le doctorant en immunologie Abderrahim Benmoussa de l’Université Laval. Il a dû obtenir une autorisation éthique pour pouvoir accéder à l’une des animaleries de l’UdeM.

« L’accès aux animaleries est très strict, et de ce que j’en ai vu, les animaux sont mieux traités, soignés et surveillés que la plupart des animaux domestiques », témoigne le doctorant, en expliquant que des vétérinaires sont présents pour soigner les blessures liées aux bagarres ou aux effets secondaires de certains traitements.

« Je suis végétarien pour des questions éthiques, et pourtant, de mon point de vue, il n’y a rien d’horrible qui se passe en arrière-boutique, contrairement aux abattoirs », assure Abderrahim. Selon lui, les expérimentations répondent à une nécessité de développement des traitements médicaux, tant que d’autres modèles de simulation organoïdes, des organes miniatures créés à partir de cellules souches, ne seront pas mis au point.

Guérir… mais à quel prix ?

De son côté, Olivier raconte n’avoir pas pu injecter de produits à la souris vivante, lors de son expérience en laboratoire. « Je trouvais ça trop horrible, j’ai laissé mon partenaire la tuer et la barrière psychologique est tombée, indique-t-il. Il fallait que je rentabilise sa vie pour ma formation académique. » Pour écarter les possibilités de devoir s’adonner à d’autres expériences de ce type, l’étudiant a même choisi de se diriger vers la neuropsychologie. « Je me suis fait dire par un professeur que les 200 premières expériences sur les animaux sont les pires, témoigne-t-il. Après, on a moins d’empathie, j’imagine, mais moi, c’est contre mes valeurs, je trouve ça vraiment horrible. » Si le Comité d’éthique contrôle les protocoles, l’étudiant reste sceptique à l’égard de certains, comme la mesure des effets de la solitude sur la dépression, à partir d’animaux enfermés dans des cages minuscules.

Dans des filières de recherche comme la pharmacie, il reste pourtant nécessaire de tester la toxicité des médicaments avant de les mettre sur le marché1. Pour ce faire, les chercheurs doivent déterminer quelle dose tuera la moitié des animaux étudiés. « Est-ce qu’on serait prêt, comme société, à dire « ça suffit, on ne fait plus de test, on a les médicaments qu’on a et on les utilise pour traiter les maladies qu’on peut et le reste demeure incurable ? » », interroge Olivier. Pour lui, il s’agit davantage de questions éthiques et morales que scientifiques.

1. « Bien-être des animaux de laboratoire — L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec est sensible aux réactions du public », Ordre des médecins vétérinaires du Québec, mars 2017.