Étudiants et citoyens

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Par Catherine Dib
vendredi 18 novembre 2016
Étudiants et citoyens
Les bureaux de vote mis à disposition des étudiants sur le campus de l’UdeM lors des élections fédérales de 2015. Crédit photo : Guillaume Villeneuve.
Les bureaux de vote mis à disposition des étudiants sur le campus de l’UdeM lors des élections fédérales de 2015. Crédit photo : Guillaume Villeneuve.
Au Québec, la population des 18-34 ans vote moins en région qu’en ville, selon une récente étude de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval*. Quartier Libre s’est intéressé aux motivations qui poussent les jeunes en milieu urbain à voter.
« Les étudiants se retrouvent dans une communauté composée de gens engagés et les plus scolarisés ont tendance à s’informer sur les affaires courantes. » François Gélineau, professeur au Département de science politique à l’Université Laval

«Si tous les jeunes avaient fait leur devoir de citoyen, je pense que cela aurait changé le résultat avec lequel les Américains doivent vivre pour les quatre prochaines années », s’exclame l’étudiant au baccalauréat en communication à l’UdeM Sébastien Paquette. Pour lui, voter est un devoir, notamment après le résultat inattendu de la présidentielle américaine.

« Le niveau de scolarité est déterminant », tranche l’un des chercheurs ayant chapeauté l’étude et professeur au Département de science politique à l’Université Laval François Gélineau. Il explique que certaines caractéristiques du milieu universitaire encouragent le vote. « Les étudiants se retrouvent dans une communauté composée de gens engagés et les gens plus scolarisés ont tendance à s’informer sur les affaires courantes », précise-t-il.

La chercheuse postdoctorale au Département de science politique de l’UdeM et membre du Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique (CÉCD) Valérie-Anne Mahéo abonde dans ce sens. « À l’université, les étudiants développent des compétences cognitives, une réflexion plus critique et des capacités d’analyse et de communication qui favorisent ce type d’engagement politique », croit-elle. Elle ajoute que le facteur socioéconomique est non négligeable, les universitaires provenant souvent de familles plus aisées qui leur auraient transmis l’habitude d’exercer le droit de vote. « Historiquement, ces familles ont eu des intérêts financiers dans les décisions politiques, donc le vote était une question d’intérêt personnel auparavant », affirme-t-elle.

Motiver la participation

À l’élection fédérale de 2015, le taux de participation des électeurs âgés de 18 à 24 ans est passé de 38,8 % en 2011 à 57,1 % selon les estimations d’Élections Canada. « Cela s’explique en partie par la présence de Justin Trudeau, un politicien jeune qui semble avoir une relation plus personnelle avec ses électeurs et qui a parlé d’enjeux qui les concernent sans doute un peu plus », analyse Mme Mahéo.

L’accessibilité est également un moteur de la participation des jeunes au vote, selon une étude menée par l’Institut du Nouveau Monde (INM). Durant l’élection fédérale de 2015, des mesures ont ainsi été prises pour pallier cette difficulté avec l’ouverture de bureaux de vote sur 38 campus canadiens. Selon le gestionnaire aux relations avec les médias d’Élections Canada, John Enright, plus de 70 000 étudiants ont exercé leur droit de vote, soit 9 % de la population totale ciblée. « Pour un premier essai limité, c’était un succès du point de vue du directeur général des élections, expose-t-il. On prévoit répéter l’expérience sur une plus grande échelle la prochaine fois. »

Malgré la hausse observée aux dernières élections fédérales, la tendance générale du vote des jeunes est à la baisse depuis 1985 au Québec. M. Enright croit que le vote en ligne constitue un début de solution malgré les problèmes de fiabilité et de confidentialité que cela peut engendrer. « Cela peut aider ceux désirant déjà voter, mais ça ne réglera pas le problème de cynisme et de désintérêt général que l’on voit présentement », pense cependant Mme Mahéo.

L’étudiante au baccalauréat en anthropologie Pénélope Ducharme se reconnaît dans ce modèle. « Je vote, mais je suis plutôt mitigée ces derniers temps, avoue-t-elle. Plusieurs de mes amis plus politisés pensent que voter est inutile pour vraiment changer les choses. » Mme Mahéo estime que cette difficulté à s’identifier à la politique contemporaine pourrait être évitée avec davantage d’éducation citoyenne.

« Les jeunes électeurs ne forment pas un groupe homogène, déclare la professeure. Ils ont des intérêts différents et on doit trouver différentes manières d’éveiller leur intérêt, de faire leur éducation civique. » M. Gélineau précise que cette éducation se fait partout, le campus n’étant pas le seul milieu pour encourager le vote des jeunes, et que les composantes qu’il rassemble peuvent et doivent se retrouver ailleurs qu’à l’université. « Il y a d’autres initiatives possibles pour éveiller l’intérêt », note-t-il. Il cite en exemple la boussole électorale, outil interactif en ligne mis en place par Radio-Canada pour aider les utilisateurs à s’identifier au paysage politique lors d’une élection.

* « Note de recherche sur la participation électorale sur la période 1985-2014, une étude régionale » par Justin Savoie, François Gélineau et Eric Montigny de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval, octobre 2016.

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