En cell pour l’amour

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Par Tahia Wan
mercredi 12 février 2014
En cell pour l’amour
(Illustration: Navid MoghaddaM)
(Illustration: Navid MoghaddaM)

Draguer sur le campus de l’UdeM au moyen d’une application installée sur son cellulaire, c’est désormais possible grâce à Tinder ou à Grindr, qui géolocalisent les étudiants en quête d’une rencontre. Maintenant, la chasse ne se fait plus qu’avec les yeux, mais également avec son téléphone intelligent.

«On crée son propre profil, puis on choisit la personne qui nous intéresse, explique l’étudiant à Concordia et utilisateur de Tinder depuis deux mois Guillaume*. Si le like est réciproque, un match est créé et l’on décide d’une possible affinité ou plus.» Lancée en septembre 2012, Tinder compte aujourd’hui cinq millions d’utilisateurs.

Selon l’étudiant, l’application est simple d’utilisation. Il suffit de la connecter à son profil Facebook, de choisir un maximum de cinq photos et de rédiger une phrase pour se décrire. Les profils des autres utilisateurs (du sexe opposé ou du même sexe) défilent.

L’utilisateur doit absolument aimer ou non la photo pour passer au profil suivant. Si deux personnes aiment mutuellement leurs profils, elles seront mises en contact. Une fois le match établi, il est possible de savoir à quelle distance se trouve la personne, les possibles amis en commun, ainsi que les groupes auxquels ils sont mutuellement abonnés.

No man’s land numérique

Bien que ces applications offrent la possibilité de faire des rencontres plus ou moins rapidement, elles sont avant tout le reflet de ce que le professeur en communication spécialisé en communautés virtuelles et internet de l’UQAM Pierre Harvey considère comme un No man’s land numérique. «Les points de repères traditionnels tels que le respect de la vie privée se sont perdus dans le néant numérique», assure le professeur. Il en résulte une explosion de la vie privée dans internet et un affaissement des barrières géographiques et culturelles. «Avec le cyberespace, il est maintenant possible de sortir avec une fille qui habite à l’autre bout du monde», déclare-t-il.

L’étudiant à HEC et ancien utilisateur des applications Tinder, Grindr ainsi que Hornet, Serge* apprécie cette caractéristique. «Ces applications offrent une approche plus facile puisqu’elles permettent d’obtenir de l’attention facilement et rapidement», assure-t-il. Serge a d’ailleurs pu entrer en contact avec un de ses camarades de classe via Tinder. «Nous ne sommes pas amis, mais nous voyons qui nous sommes», raconte l’étudiant.

L’étudiant à HEC et utilisateur de Grindr pendant deux ans Antoine* abonde également dans ce sens. « Cette application permet aux homosexuels de s’exprimer et de faire des rencontres sans forcément sortir de chez eux», assure le jeune homme. Tout comme Tinder, Grindr est une application de rencontres, mais réservée aux gais. Elle est différente de Tinder en ce qu’elle géolocalise directement les utilisateurs sans match préalable.

«Ces applications internet permettent aussi à l’utilisateur de s’accomplir», déclare M. Harvey. Une seule connexion permet de se retrouver entouré d’une multitude d’amis et d’amants avec qui on peut partager une expérience réelle ou virtuelle. « Je peux être quelqu’un de timide, je me connecte sur mon compte et hop! J’ai mille amis, 30 like, six copines», soutient le professeur.

D’un café à une nuit

Les échanges sont variés et peuvent aller du simple café à la relation sexuelle. «C’est certain qu’à trois heures du matin, on ne se connecte pas sur Grindr pour refaire le monde», déclare Antoine.

Toutefois, Serge pense que les applications pour gais ne se cantonnent pas qu’aux rencontres sexuelles. «Grindr ce n’est pas que du sexe, assure-t-il. C’est d’abord une communauté qui offre la possibilité de trouver quelqu’un qui répondra à nos attentes.» Malgré tout, les attentes des utilisateurs varient d’une application à l’autre. «Sur Tinder, le discours sexuel est moins privilégié, avoue Serge. On a le choix entre une relation sérieuse ou un coup d’un soir».

L’utilisation de ces applications peut se révéler pernicieuse pour certains et entrainer une cyberdépendance. L’ancien étudiant et l’ancien utilisateur de Tinder Xavier* a décidé de la supprimer. « L’application a été une perte de temps, convient-il. Je me connectais 30 fois par jour. Les filles inscrites sont belles, mais les conversations plates. » Il soutient qu’utiliser Tinder est un art.

Tinder :
• 5000000 d’utilisateurs  
• 2000000 d’utilisateurs quotidiens  
• 100000 abonnés par jour dont  
• 45 %de femmes< et  
• 55 %d’hommes

Grindr :  
• 339 000 utilisateurs au Canada, ce qui classe le pays au 4e rang  
• 7 000 000 d’utilisateurs dans le monde entier  
plus de  
• 1 200 000 connexions par jour  
• 30 000 000 messages échangés  
• 2 000 000 photos échangées  
(Source : Grindr fact sheet septembre 2013)

*Les noms des étudiants ont été changés pour respecter leur anonymat