Du tout inclus pour les exclus

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Par Aude.Garachon
mercredi 24 novembre 2010
Du tout inclus pour les exclus

Soleil d’hiver à la playa Émilie-Gamelin, pour l’ultime édition de l’État d’Urgence. Embarquement pour un séjour tout inclus dont personne n’est exclu.


 

Du soleil dans la rue

Comme chaque année, l’Action terroriste socialement acceptable (ATSA) prend ses quartiers d’automne sur la place Émilie-Gamelin le temps d’un État d’Urgence, l’évènement culturel de l’itinérance. Cette année, parasols, palmiers, rythmes cubains… les Very Itinérant People (VIP) sont à l’honneur. «Je trouve l’idée géniale», estime l’acteur et comédien Stéphane Crête, qui se mobilise pour l’évènement pour la dixième année. Ce presque hiver, il animera un spectacle cabaret. «L’idée du tout inclus donne une note risible alors que la réalité de ces gens est très lourde: ça fait beaucoup de bien. Et puis les gens de la rue ont aussi beaucoup d’humour et sont capables de rire de leur état», explique-t-il.

 

Un programme à la carte

Le forfait État d’Urgence tout inclus offre aux VIP et autres quidams un festival d’activités et d’animations sur place. Au programme: cirque avec Les 7 doigts de la main, concerts avec L’Orchestre d’Hommes-Orchestres, Philémon Chante ou encore David Marin, mais aussi lectures de contes, slam, théâtre, cinéma sous les étoiles, galerie d’art… Pas de quoi s’ennuyer.

Infos destination pour les touristes

L’État d’Urgence, c’est un évènement-choc culturel, comme le présente Annie Roy, fondatrice de l’ATSA et comédienne : «L’itinérance, c’est totalement insupportable. Et si les artistes ne peuvent pas se pencher sur les grandes questions sociales, sur ce qui mène le monde, à quoi sert-on !» L’ATSA, c’est en effet le terrorisme par l’art : oser une action très médiatisée dans un espace urbain. Pour Stéphane Crête, l’art constitue un lien entre la marge et les normes : «Les artistes sont des marginalisés, les gens de la rue sont des marginaux. Rien de mieux que l’art pour créer des contacts, en évacuant toute forme de rapport au marché ou à la pitié.»

Une claque rafraîchissante

Soleil, cocktails, parasols… ne vous laissez pas leurrer, on est loin d’être à Copacabana : «C’est vraiment un clash, raconte Annie Roy. Il y a mise en scène de l’hôtel club tout compris, mais cette fois les exclus ne sont pas cachés derrière le paysage léché.» Créer un conflit visuel pour diffuser le discours, cela peut parfois perturber. Ainsi, chaque année, Annie évoque la peur ressentie par les passants : «Tout d’un coup, ils sont en minorité, ce n’est pas eux qui ont toute la place publique». Pour la comédienne, c’est aussi un questionnement sur l’art : «Cela fait aussi réfléchir sur cette idée de la perfection, du bonheur en boîte, et à tout ce concept de tourisme culturel qui tend à normaliser les contenus artistiques. » Sébastien Soldevilla, cofondateur des 7 doigts de la main, est lui aussi sensibilisé à la question de l’itinérance : «Moi, je crois que les réactions qu’on peut avoir concernant la précarité, ça ne peut pas être quelque chose de mou. Maintenant, la précarité peut toucher n’importe qui du jour au lendemain. »

L’ultime édition – Coup de balai

État d’Urgence fête ses dix ans, et sans doute sa dernière édition. Les fondateurs du festival on décidé de mettre carte sur table à la présentation de l’évènement, dans une ambiance cubaine, avec bingo, plantes et guacamole. En effet, l’évènement prend trop d’ampleur pour la fondation ATSA. Faute de financement, État d’Urgence, véritable rendez- vous pour les itinérants, risque bel et bien de fermer pavillon l’année prochaine. Annie Roy témoigne : «Je pense que ce qui va être le plus dur, c’est sur le terrain. L’État d’Urgence, c’est un peu comme Noël chaque année : la tante Thérèse, tu la vois pas chaque année, mais quand tu la vois heureuse, quand elle te prend les deux joues pour te donner un bec, t’es content.»