Droits ou frais de scolarité ?

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Par Arthur Lacomme
mardi 7 décembre 2010
Droits ou frais de scolarité ?
Les étudiants, le ministère de l’Éducation du Québec et des instituts économiques ont pour habitude de se batailler sur le coût des études. Mais cette guerre idéologique serait-elle aussi linguistique, entre l’utilisation des termes « frais de scolarité » et «droits de scolarité» ? L’un des correcteurs de Quartier Libre, à la recherche de l’expression exacte, a mené sa petite enquête.

Au verso du précédent numéro de votre Quartier Libre, une publicité de la FAÉCUM annonce en gros caractères blancs : «Pour que cesse la hausse des frais de scolarité!» Quelques jours plus tard, un journaliste du Devoir parle, sur le même sujet, des «droits de scolarité». Il semblerait qu’on ne s’entende pas sur l’expression à utiliser quand il est question d’argent et d’université.

L’utilisation de «droits» ou de «frais» pourrait avoir une visée idéologique. Le terme «droits» a une connotation civique. On n’a qu’à penser aux droits et aux devoirs d’un citoyen. Le mot «frais» fait davantage référence à une dépense d’argent, à un coût.

Les étudiants ont leur mot à dire

L’attaché de presse de la FAÉCUM, Alexandre Ducharme, s’explique sur le choix du vocable. «Le terme technique, comme le précise le ministère de l’Éducation du Québec, c’est droits de scolarité.
Mais le terme populaire, c’est frais de scolarité. Cela fait dix ans que je suis dans le mouvement étudiant et c’est une blague récurrente. On se pose toujours la question de l’expression à utiliser.
Alors, on a décidé d’y aller avec celle que tout le monde comprend: frais de scolarité.»

Les chercheurs de l’Institut économique de Montréal n’ont pas la même vision. «On améliore notre français avec le temps, explique Germain Belzile, directeur de recherche, son dictionnaire Grand Robert de six volumes et deux mille pages sous le bras. On devrait dire “droits de scolarité” pour parler du montant que l’université exige pour l’inscription aux cours et “frais des études” lorsqu’on parle de l’ensemble des dépenses reliées aux études. Je crois donc qu’il s’agit strictement d’une question de bon usage des termes.»

Ce chargé de formation à HEC Montréal donne pour exemple le billet de métro. «C’est un droit que la Société de transport de Montréal nous demande pour se déplacer en transport en commun.»
M. Belzile rappelle aussi que HEC tente de corriger le tir en matière de français. Il cite l’exemple du terme « édifice », utilisé dorénavant au lieu du mal employé «pavillon» pour désigner les bâtiments universitaires. L’UdeM n’a pas encore emboîté le pas.

Parole d’ayatollah de la langue française

Le conseiller linguistique de Radio-Canada a toujours réponse aux interrogations sémantiques. Guy Bertrand explique que tout est une question de point de vue. «Les droits sont des sommes exigées et les frais sont des dépenses. Ainsi, un établissement d’enseignement exige des droits de scolarité, c’est-à-dire une somme d’argent donnant droit à l’enseignement et à certains services. Les étudiants, quant à eux, doivent assumer des frais de scolarité, c’est-à-dire les coûts relatifs à l’enseignement et aux services connexes. En général, cependant, on inclut dans les frais de scolarité d’autres dépenses comme le coût des livres et des fournitures, les frais de déplacement et le loyer de la résidence d’étudiants.»

Photo : Arthur Lacomme

Ce flou linguistique met votre journal étudiant dans un dilemme. Quel terme choisir ? Quartier Libre évince la montée aux barricades autour des « frais» pour choisir le civisme entourant les «droits ».