Droits d’auteur à l’UL: requête en recours collectif dans un contexte de crise interne

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Par Camille Feireisen
mercredi 10 juin 2015
Droits d’auteur à l’UL: requête en recours collectif dans un contexte de crise interne
Chaque année, l'UL reproduit plus de 11 millions de pages issues d' œuvres québécoises, canadiennes ou étrangères et les intègre dans des recueils de textes vendus aux étudiants. Crédit photo: Flickr/ Marie Thérèse Hébert & Jean Robert Thibault https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/legalcode
Chaque année, l'UL reproduit plus de 11 millions de pages issues d' œuvres québécoises, canadiennes ou étrangères et les intègre dans des recueils de textes vendus aux étudiants. Crédit photo: Flickr/ Marie Thérèse Hébert & Jean Robert Thibault https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/legalcode
Une requête pour obtenir la permission d’exercer un recours collectif de 4 millions $ contre l’Université Laval (UL) a été présentée le 9 juin devant la Cour supérieure par Copibec et plusieurs éditeurs et auteurs québécois. Au-delà de ces problèmes d’éthique, l’institution fait face à une véritable crise interne liée aux compressions budgétaires. Quartier Libre fait le point.

La société québécoise de gestion collective des droits de reproduction Copibec accuse l’Université de reproduire des œuvres protégées sans autorisation. Chaque année, l’UL reproduit plus de 11 millions de pages issues d’ œuvres québécoises, canadiennes ou étrangères et les intègre dans des recueils de textes vendus aux étudiants.

Comme toutes les universités québécoises, l’Université possédait une licence générale de Copibec pour l’autoriser à vendre ces reproductions. Mais depuis 2014, l’établissement n’a pas renouvelé sa licence. Dans une lettre ouverte publiée en mars et dont Le Devoir avait obtenu une copie, 34 auteurs québécois ont dénoncé la pratique de l’Université qui prive selon eux les auteurs de millions de dollars en redevances.

Les signataires avaient notamment indiqué que « les compressions budgétaires imposées à l’Université peuvent amener l’établissement à faire des choix déchirants », mais qu’ils jugeaient « inacceptable que ces choix soient faits au détriment des auteurs et sans égard pour les règles qui permettaient aux créateurs de toucher une juste rétribution pour leur travail ». Les auditions pour autoriser le recours collectif contre l’établissement se poursuivaient le 10 juin.

Les coupes budgétaires imposées aux universités par le gouvernement Couillard sèment en effet inquiétude et incertitude à l’Université Laval, déjà aux prises avec des tensions entre direction et employés.

Compressions budgétaires et désaccords internes

Comme les autres universités québécoises, l’Université Laval doit absorber d’importantes compressions budgétaires, se chiffrant à 58 millions $ depuis un an. Pour l’année 2015-2016, 43 personnes ont déjà perdu leur emploi sur le campus en raison de ces coupes.

En décembre 2014, Le Soleil avait souligné la décision de l’institution d’augmenter les salaires d’après-mandat consentis à ses hauts-dirigeants malgré ses difficultés financières. Auparavant, les hauts-dirigeants qui avaient quitté leurs fonctions conservaient de 70 % à 90 % de leurs revenus pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans s’ils restaient employés de l’établissement, comme professeurs par exemple. Avec cette bonification, ils conserveraient désormais entre 100% et 75% de leur salaire durant une période pouvant aller jusqu’à six ans.

Après ces révélations qui ont suscité des controverses, la direction de l’institution avait consenti à réduire de 3% les salaires des hauts-dirigeants, « une mesure qui, non seulement compense entièrement le coût de la bonification, mais permet même de générer des économies », selon ce qu’indiquait le président du conseil d’administration (C.A) de l’Université Laval, M. Porter.

Le ministère de l’Enseignement supérieur, sous l’égide du ministre François Blais, a entrepris de refaire les calculs de cette bonification à la mi-mai. Et la facture annoncée par le ministère s’est avérée trois fois plus coûteuse que celle faite par le C.A. de l’Université (1, 4 million $). Le C.A. avait annoncé un coût de 65 000 $ par année, soit 390 000 $ pour six ans.

Dans une entrevue accordée à l’émission Première heure à Radio-Canada le 26 mai, M. Porter a maintenu que « les mesures globalement adoptées vont générer des économies de 75 000 $ par année. » M. Porter a aussi annoncé être prêt à rendre public chaque année ce qu’il en « coûte ou ce qu’il en rapporte » à l’institution.

Démissions en bloc et annonce de renvois

Les facultés doivent aussi participer à l’effort budgétaire imposé à l’institution. La Faculté des sciences sociales a ainsi dû absorber une réduction de 4,8 % de son budget. Un effort que certains des employés ont jugé disproportionné par rapport à d’autres facultés, qui auraient subi des compressions moins importantes. Le 12 mai, la doyenne de la Faculté des sciences sociales, Caroline Senécal, la vice-doyenne aux études, Lucie Samson et le vice-doyen à la recherche, Serge Dumont, ont démissionné pour riposter contre les coupes imposées par la haute direction de l’Université.

Début juin, le vice-recteur de l’Université, Éric Bauce, annonçait un manque à gagner de 11 millions $ à cause du budget dédié aux immobilisations du campus. L’institution était en discussion avec l’ancien ministre Yves Bolduc pour obtenir une permission de transférer une partie des dépenses affectées à la réfection des infrastructures dans son budget d’investissement. Cela lui aurait permis selon lui de reporter certaines dépenses prévues pour le stationnement ou la signalisation sur le campus par exemple, et d’éviter des mises à pied.

La demande a finalement été refusée par le ministre Blais. « En clair, le ministre veut nous forcer à utiliser des salaires pour effectuer des dépenses de réparation. Notre mission, c’est d’investir dans les cerveaux, pas dans les parkings ! » s’est exprimé M. Bauce dans un communiqué publié le 3 juin.

Ce dernier a alors annoncé devoir renvoyer 150 employés pour combler ce nouveau trou budgétaire. Interrogé sur le sujet à l’Assemblée nationale, M. Blais affirme que les universités doivent gérer elles-mêmes les coupes à réaliser pour atteindre l’équilibre.

Sources: La Presse, Le Devoir, Le Soleil