Associations étudiantes: des lobbyistes comme les autres ?

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Par Timothée Beurdeley
vendredi 25 mars 2016
Associations étudiantes: des lobbyistes comme les autres ?
Crédit : Marie-Claude Légaré
Crédit : Marie-Claude Légaré
Les regroupements étudiants s’opposent au projet de loi 56 sur la transparence en matière de lobbyisme qui prévoit obliger les organismes à but non lucratif à s’inscrire au Registre des lobbyistes. Selon les associations, cette loi risquerait de nuire à leur efficacité et à la poursuite de leur mission.
« Le but de la loi est de rendre transparentes les activités de lobbying, qu’elles soient exercées par un OBNL ou non. »
Patrice Ryan - Chargé de cours à la Faculté de l’éducation permanente et membre du Conseil d’administration de l’Association québécoise des lobbyistes

Lourdeur administrative, obstruction à la participation démocratique, risque de sanctions administratives et pénales, voici quelques-uns des potentiels effets du nouveau projet de loi du gouvernement libéral québécois soulevés par des regroupements étudiants. « L’Union étudiante du Québec [UEQ] s’oppose à l’inscription des OBNL au Registre des lobbyistes, car cela risque d’entraver le bon fonctionnement de ces organismes », résume le coordonnateur aux affaires externes de l’UEQ, Guillaume Girard.

Si la loi est adoptée telle quelle, tous les membres d’OBNL ayant des contacts avec un titulaire de charge publique – élus, fonctionnaires – devront systématiquement déclarer le mandat de leur démarche. Ils devront notamment inscrire leur nom, celui de l’organisme pour lequel ils agissent, celui de l’institution visée par le lobbyisme et l’objectif précis de ce dernier. Une charge supplémentaire de travail administratif qui sera difficile à assumer, selon les associations étudiantes. « Nous n’avons pas l’effectif nécessaire pour effectuer ces nouvelles tâches, explique le secrétaire général de la FAÉCUM, Nicolas Lavallée. C’est notre cas et c’est le cas de tous les OBNL. »

Le chargé de cours à la Faculté de l’éducation permanente et membre du Conseil d’administration de l’Association québécoise des lobbyistes Patrice Ryan affirme que les démarches en ligne se font plutôt facilement grâce à une plateforme numérique. Selon lui, la lourdeur administrative vient plutôt des problèmes d’interprétation des déclarations par le Commissaire au lobbyisme du Québec. « Il faut que le gouvernement fasse preuve de plus de flexibilité afin d’encourager les lobbyistes à s’inscrire, pense-t-il. Actuellement, les avocats du bureau du Commissaire sont assez pointilleux concernant les textes qui décrivent les mandats lors des inscriptions. »

Un enjeu de transparence

Le lobbyisme désigne toute communication qui vise à influencer un titulaire de charge publique afin de défendre les intérêts d’une organisation ou d’un groupe d’individus. « Le but de la loi est de rendre transparentes les activités de lobbying, qu’elles soient exercées par un OBNL ou non, explique M. Ryan. L’idée est aussi de montrer que le lobbyisme est une activité légitime, qu’il n’y a rien de mal à ça. »

Pour M. Ryan, les regroupements étudiants exercent bien des activités de lobbyisme. « Il arrive que ces associations communiquent avec les pouvoirs publics dans le but de les influencer, indique-t-il. Quand elles demandent une baisse des droits de scolarité, c’est du lobbyisme. »

L’UEQ et la FAÉCUM reconnaissent ce rôle, mais rappellent que leur mission principale est avant tout la défense des droits et des intérêts académiques, politiques et sociaux des étudiants. « Ces associations et regroupements d’associations jouent un rôle démocratique dans la société en portant la voix de dizaines de milliers de jeunes qui vont à l’université, estime Guillaume Girard. L’objectif est avant tout de participer au débat public. »

Les contraintes imposées par ce projet de loi réduiraient aussi l’accès aux élus pour les groupes de la société civile, comme les associations étudiantes, d’après Nicolas Lavallée. « Nous rencontrons presque quotidiennement des titulaires de charge publique, cela représenterait beaucoup de paperasse en plus », précise-t-il.

Statu quo requis par les associations étudiantes

Les associations étudiantes pensent d’ailleurs que leurs démarches sont suffisamment transparentes. « Nous communiquons quand nous rencontrons des titulaires de charge publique, affirme M. Lavallée. Nous publions des plans d’action, des états financiers, nous n’avons rien à cacher. »

Pour sa part, le coordonnateur aux affaires externes de l’UEQ rappelle que les associations étudiantes sont déjà assujetties à la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants. « On n’est pas du tout contre la transparence, mais on a déjà un statut légal clair qui encadre nos activités et assure cette transparence », souligne-t-il.

L’UEQ a été reçue par le Commissaire au lobbyisme du Québec au début du mois de mars dans le cadre d’une consultation des OBNL sur ce projet de loi. Dans un mémoire rédigé avec la Fédération étudiante collégiale du Québec adressé au Commissaire, l’organisation étudiante propose de distinguer les OBNL qui font du lobbyisme dans un but mercantile de ceux qui, comme les associations étudiantes, défendent les droits et intérêts d’un groupe d’individus. Selon M. Girard, le Commissaire, qui remettra son rapport au printemps, s’est montré à l’écoute.

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