Démystifier la pénurie d’enseignants

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Par Zacharie Routhier
lundi 10 décembre 2018
Démystifier la pénurie d’enseignants
Crédit photo : Burst.com.
Crédit photo : Burst.com.
Plus tôt cette année, la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) s’est inquiétée du manque de personnel dans le réseau scolaire, qui s’aggrave chaque année. Quelles sont les racines de ce phénomène?

Pour analyser la situation, Quartier Libre s’est entretenu avec le directeur de la section montréalaise du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE), Maurice Tardif. Selon lui, le problème peut être décliné en quatre éléments principaux.

1 – Une vide créé par des départs à la retraite

« Entre les années 1950 à 1970, les populations scolaires ont été multipliées par trois, explique le professeur de l’UdeM. À cette époque-là, on a engagé des dizaines de milliers d’enseignants. » Ces derniers, qualifiés de « professeurs de la révolution tranquille » par M. Tardif, ont commencé à prendre leur retraite à l’aube des années 2000.

2 – Une augmentation du nombre d’élèves

Après une baisse de fréquentation des écoles primaire et secondaire s’étalant sur près d’un demi-siècle, les populations scolaires vont augmenter d’au moins 125 000 enfants d’ici 2030, selon le M. Tardif. « On ne sait pas trop pourquoi, mais autour de 2004-2005, il y a eu un mini baby-boom au Québec, détaille-t-il. Il y a eu de l’immigration, aussi. »

3 – Peu de futurs profs

Celui qui enseigne l’histoire des idées éducatives précise que ces conditions ont ouvert des places dans les écoles à ceux souhaitant devenir enseignant. Mais, selon lui, la précarité qui a marqué la profession ces 30 dernières années a été un facteur décourageant pour les étudiants potentiellement intéressés.

Avant 2010, la présence d’un bon nombre d’enseignants de la révolution tranquille ainsi que la diminution des jeunes sur les bancs d’école a été défavorable pour les conditions de travails des nouveaux professeurs. « Le taux de précarité [des emplois non permanents] dans la profession enseignante, entre 1980 et 2010, c’est 45 % », illustre-t-il.

4 – Décrochage des étudiants en enseignement

Parmi les étudiants qui prennent le pari de suivre un cursus en enseignement, entre 25 à 50 % environ abandonnent dans les premières années, selon M. Tardif, qui se base sur des chiffres du ministère de l’Éducation. « La main-d’œuvre enseignante quitte parce que les conditions de travail sont déplorables et le salaire en début de carrière n’est pas terrible », expose-t-il.

Des pistes de solution

Pour M. Tardif, la priorité devrait être de favoriser la permanence des enseignants présentement en poste, puisque 37 % sont encore en situation de précarité. Pour cela, il estime que des investissements supplémentaires dans le réseau de l’éducation sont nécessaires.

Il faut également soutenir davantage les nouveaux enseignants, affirme le professeur. « Souvent, ceux débutant leur carrière ont les pires tâches, soulève-t-il. Ils ont les groupes les plus difficiles et doivent enseigner différentes matières dans plusieurs écoles. » Le professeur ajoute que les enseignants se retrouvent parfois dans des situations pour lesquelles ils n’ont pas été formés. « Je connais des professeurs en éducation physique qui enseignent à des classes d’étudiants autistes », illustre-t-il.

Un support adéquat pourrait provenir de la mise en place des programmes de soutien à l’insertion professionnelle, conclut-il.

 

Plus tôt cette année, Quartier Libre observait la situation du point de vue d’une étudiante en enseignement.