David contre Goliath à l’heure d’Internet

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Par Coline Senac
mardi 4 octobre 2011
David contre Goliath à l'heure d'Internet

Quel est le point commun entre Sony, PlayStation, Paypal, et la Scientologie ? Ce sont tous des victimes d’Anonymous, un groupe de pirates informatiques qui sévissent sur Internet depuis 2004. Le 5 novembre, Anonymous veut faire tomber Facebook. Facile à dire, mais est-ce aussi facile à faire ?

Avec près de 800 millions d’usagers qui téléchargent beaucoup d’images et de contenus nécessitant de la bande passante, Facebook est capable d’absorber de grandes quantités de données », estime Benoit Dupont, chercheur et directeur du CICC, le Centre international de criminologie comparée à l’UdeM. Selon lui, dans l’hypothèse d’une attaque par déni de service, c’est-à-dire qui rend indisponible le service en saturant ou en perturbant son système, Facebook pourrait contenir l’offensive. On estime à pas moins de 60000 le nombre de serveurs actuellement utilisés par Facebook dans le monde.

«Anonymous a déjà essayé de s’attaquer aux serveurs d’Amazon il y a quelques mois, et son attaque s ’es t heur tée aux capaci tés énormes de cette entreprise, qui a renforcé la protection de ses serveurs par des pare-feu depuis les attaques de Mafia Boy [NDLR: un pirate informatique montréalais]», raconte M. Benoit. Selon Amazon, cette attaque a entraîné une perte de 600 000 $ en 10 heures. « Les attaques par déni de service qui réussissent prennent en général pour cible les sites d’entreprises nouvellement établies et dont les finances ne leur permettent pas toujours d’acquérir des services de protection efficaces – comme c’est le cas encore pour Twitter – ou des sites institutionnels qui ne reçoivent pas habituellement un nombre élevé de visiteurs», ajoute le chercheur.

l’arme du discrédit

S’il semble donc très difficile de fragiliser les fondements du colosse Facebook par ces manoeuvres de piratage informatique, Anonymous peut, en revanche, « détruire » sa popularité . D’après Rachid Abdellaoui, administrateur réseaux dans une grosse entreprise de services, «le spécialiste Nik Cubrilovic a récemment découvert que Facebook enregistre toute l’activité des utilisateurs via les cookies », ces fichiers, qui mémorisent temporairement des informations telles qu’une préférence ou un code d’authentification [voir l’encadré]

«Même si la session Facebook est hors ligne, le serveur Facebook reste actif et relié à votre ordinateur. Que vous soyez en train de regarder un film, de vous connecter à votre banque, ou de faire des recherches, toutes ces informat ions sont l i é e s au s e r v eur Facebook», affirme-t-il

Quant à l’action probable d’Anonymous, Rachid Abdellaoui imagine un dévoilement de données confidentiel les détenues par Facebook sur plusieurs personnalités.

Selon Benoit Dupont, « les usagers mettent sur Facebook beaucoup d’informations personnelles qui ne sont pas forcément bien protégées, car les paramètres de confidentialité sont très complexes pour un usager moyen, qui souhaite avant tout disposer d’un outil facile d’accès et d’utilisation. Il se pourrait donc qu’Anonymous ou d’autres groupes de pirates trouvent des brèches qui leur permettent de moissonner des quantités importantes d’informations. » Confusion? L’action contre Facebook annoncée pour le 5 novembre a été récemment niée et sera peut-être finalement menée par seulement quelques membres. Les valses-hésitations d’Anonymous révèlent-elles le manque d’organisation du collectif ? « L’opération “kill Facebook” n’a pas vraiment convaincu grand monde, donc cela a été abandonné.

Une opération d’Anon [NDLR: diminutif du nom « Anonymous »] devient “officielle” quand le monde embarque. Dans ce cas-ci, ça n’a pas marché. Il se peut qu’il y ait quelque part un groupe d’individus anonymes qui planifie encore quelque chose pour novembre, mais nous ne sommes pas au courant », affirme L’internet, un Anonymous montréalais contacté sur un forum de discussion en ligne.

« Souvent les médias vont faire passer Anon comme un groupe traditionnel avec une hiérarchie, alors que c’est plus chaotique en réalité.Anybody can wear a suit with no head, it turns out. C’est quelque part aussi la force d’Anon, un brand name qui n’appartient à personne. Donc des fois, il peut arriver que certaines opérations telles que kill Facebook – qui surgissent de nulle part – soient rejetées par la “majorité”. » Les Anonymous fonctionnent selon une organisation non hiérarchisée. Les groupements d’individus s’accordent sur des stratégies et des tactiques via des sites tels Pirate Pad, un service en ligne permettant de créer un espace collaboratif pour partager ses idées en direct sous forme de texte. Ils ont par ailleurs mis en place des forums Anons à travers des Web IRC, protocoles de communication permettant l’envoi de « messages privés » et la participation à des clavardages de groupe. À quand un Facebook made in Anonymous ? À la suite du bannissement de plusieurs de ses membres de Google +, le groupe a réagi en créant un réseau social nommé «Anonplus».

Tout un réseau souterrain se développe donc, mais le groupe reste fragile, puisque chacun peut faire ce qu’il veut. Toutefois, les actions et l’impact médiatique sont bien là, prouvant qu’un tel type d’organisation peut être viable.

Le manifeste de soutien à Wikileaks, publié lorsque Paypal et Mastercard ont banni l’association controversée, est un des exemples les plus aboutis d’action collective d’Anonymous. Crédit : Anonymous

Big Facebook is watching you

Le 26 septembre , Nik Cubrilovic, un expert en informatique australien, a dénoncé l’enregistrement par Facebook des détails de la navigation de chaque utilisateur même lorsque celui-ci n’est pas branché au service

Facebook a riposté le jour même en assurant que les informations enregistrées sur ses serveurs ne sont pas utilisées pour de la publicité ciblée, mais pour renforcer le processus d’identification de l’utilisateur à la connexion et éviter les courriels indésirables

Arturo bejar, l’un des responsables du réseau social , a déclaré que Facebook était en train de chercher une manière de filtrer les données de l’utilisateur, mais que cela  « prendra du temps ».

 

Anonymous contre Facebook

Leur devise: « Nous sommes Anonymous. Nous sommes légion. Nous ne pardonnons pas. Nous n’oublions pas. Redoutez-nous. » Leur identité visuelle: le masque blanc de V, le justicier de la bande dessinée V pour Vendetta qui planifie, un 5 novembre aussi, la destruction du parlement d’une Grande-bretagne opprimée par un régime totalitaire. Les Anonymous s’inspirent de cette fiction afin de cibler « les gouvernements qui mentent à leurs concitoyens et les entreprises qui les assistent tout en s’enrichissant toujours plus». Leur arme: le dévoilement de bases de données, le piratage de serveurs, la fermeture de sites et l’organisation de manifestations de rue appelées « raids ».

Anonymous reproche au réseau social Facebook de ne pas respecter les libertés individuelles et la vie privée de ses utilisateurs, en vendant leurs informations personnelles aux entreprises privées, aux agences gouvernementales et aux services de sécurité. La police londonienne aurait ainsi réussi à retrouver des émeutiers à la suite des troubles survenus en août dernier.