Dans le rouge jusqu’au cou

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Par Philippe.Teisceira-Lessard
mardi 26 octobre 2010
Dans le rouge jusqu'au cou
Débandade financière Photo : Leslie Doumerc Photomontage : Alex Vanasse

L’UdeM traîne un déficit accumulé de 139 M$, un boulet plus lourd que toutes les autres universités
du Québec. Malgré cette donnée, tous s’entendent pour dire qu’il s’agit d’abord et
avant tout d’un symptôme du sous-financement de l’éducation et pas de mauvaise gestion.

L’Université doit maintenant 139 M$ à ses
créanciers, uniquement en dette de fonctionnement.
À la fin de l’exercice financier de
2007, le déficit accumulé de l’UdeM était de 96 M$. Une
augmentation de presque 45 % en deux ans.

Débandade financière

Cent trente-neuf millions de dollars à rembourser, c’est
l’équivalent des montants alloués au soutien à la
recherche et à l’enseignement pendant deux années
complètes, ou de tout l’argent versé en une année et
demie en droits de scolarité par les étudiants de l’UdeM.

Trois enveloppes

Pour comprendre la dette de l’UdeM, il faut connaître le
fonctionnement de son budget.

Le budget de l’Université est composé de trois fonds : un
fonds de fonctionnement, d’où sortent les dépenses courantes
de l’Université (salaires, services, etc.), un fonds
d’immobilisation, qui sert à payer les bâtiments, et un
fonds de dotation, investi par l’Université pour lui rapporter
des revenus de placement.
Concrètement, on
peut comparer cette division
à un compte chèque,
un compte hypothécaire et
un compte épargne.

Germain Belzile, chargé de
formation à HEC Montréal
e t d i r e c t e u r d e l a
recherche à l’Institut économique
de Montréal, un
think tank de droite, soutient
toutefois que la dette
de l’UdeM est problématique
: «La dette de l’UdeM
et des autres, c’est pour
payer l’épicerie, c’est
pour payer les dépenses
courantes », explique
M. Belzile. Et c’est sain ?
«Non», répond sans hésit
a t i o n l ’ é c o n o m i s t e .
S’endetter pour construire
un bien durable, c’est un
investissement. Ce n’est pas le cas pour les dépenses
récurrentes. Selon lui, c’est vers le début des années
1990 que les universités ont commencé à accumuler les
déficits dans leurs fonds de fonctionnement.

Mathieu Lepitre, secrétaire aux affaires universitaires de
la FAÉCUM, semble plus serein relativement au relevé
bancaire de son alma mater.

« C’est certain que pour une institution comme
l’UdeM, ils ne sont pas encore à l’état d’être alarmés
à tout casser, avec une dette de 140 M$. […] Ce n’est
pas encore dans le rouge criant», soutient-il, avant de
préciser que «si ça continue à croître, ça va commencer
à être inquiétant».

Dans les deux dernières années, l’UdeM a dû verser
4,5 M$, puis 2,5 M$ pour payer les intérêts qui courent
sur cette dette de fonctionnement.

«Les taux d’intérêt étant historiquement bas, le déficit
cumulé ne freine pas vraiment nos activités…
pour l’instant», expose Sophie Langlois, directrice des
relations avec les médias à l’UdeM. Par contre, les efforts
de l’administration pour atteindre l’équilibre budgétaire
et cesser d’alourdir la dette chaque année «réduisent
la marge de manoeuvre de l’Université », soutient
Mme Langlois.

Un symptôme

«La dette est une conséquence du fait que les universités
doivent fonctionner avec des budgets extrêmement
serrés et n’y arrivent pas», expose M. Belzile.

Pour une rare fois, un économiste de l’Institut économique
de Montréal et un élu étudiant sont du même avis.

« Oui, je serais pas mal d’accord avec lui », lance
Mathieu Lepitre.

L’UdeM elle-même semble chanter en canon. Seule
nuance: l’UdeM critique
particulièrement le sousfinancement
de certaines
de ses activités, notamment
la recherche.

«Ce n’est pas un hasard
si ce sont les universités
qui font beaucoup de
recherche, qui présentent
les dettes cumulées
les plus lourdes, soutient
Mme Langlois. Le sous-financement
universitaire
les frappe davantage, parce que  a
structure actuelle du
financement ne couvre
que très partiellement
les frais occasionnés
indirectement par les
activités de recherche.»

Mais comment trouver
une solution à ce problème?

C’est ici que la paix des braves s’achève. On propose
ici des solutions diamétralement opposées. Pour
la FAÉCUM, ça passe par un réinvestissement massif en
éducation supérieure de la part du gouvernement. Pour
l’économiste Germain Belzile, ce sont plutôt les étudiants
qui devraient payer plus. «Même si la dette québécoise
par étudiant passait de vingt quelque mille
à quarante quelque mille, ce ne serait pas la fin du
monde», dit-il.

L’administration de l’UdeM se rallie plutôt au point de vue
de M. Belzile quant à la contribution des étudiants. De
plus, elle espère bientôt réussir à rembourser sa dette.
Ainsi, une réduction de l’ordre de 1,5 % touchant certaines
dépenses compressibles devrait être prolongée
afin de dégager un montant «qui servira plutôt à rembourser
notre dette», explique Sophie Langlois.