Culture hors-champs

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Par Charlotte Biron
mercredi 29 septembre 2010
Culture hors-champs
L'artiste Socalled en plein atelier créatif à La Chasse-Galerie, de Lavaltrie. Crédit: Leslie Doumerc.
L'artiste Socalled en plein atelier créatif à La Chasse-Galerie, de Lavaltrie. Crédit: Leslie Doumerc.

En région, les soirées sont parfois longues à veiller sur le perron. C’est pourquoi certains jeunes ont décidé de se réunir en coopératives et de faire bouger la place. Un peu partout au Québec, ils créent des centres culturels qui font office de bar, de salle de spectacle ou de centre de diffusion des arts de la scène.

À peine un jeune Québécois sur dix né en région décide de ne pas quitter son village natal pour l’attrait des grandes villes. Normal, quand il n’y a rien à faire le samedi soir. Pour contrer l’ennui, certains ont décidé de fonder des coopératives culturelles qui servent à la fois de bar, de salle de spectacle et de centre de diffusion des arts de toutes sortes. Ils ont pour but de stopper la dévitalisation de leur patelin et de promouvoir la culture locale, tout en attirant des artistes d’ailleurs.

L'artiste Socalled en plein atelier créatif à La Chasse-Galerie, de Lavaltrie. Crédit: Leslie Doumerc.

«Ici, c’est surtout le manque d’accès à la culture qui m’a frappé », souligne Thierry Sirois, étudiant établi temporairement à Jonquière. «Quand j’étais à Montréal, c’était facile de rencontrer des gens avec les mêmes intérêts que moi dans des évènements culturels », poursuit- il. Thierry parle de groupes de musique, du bouillonnement culturel qui existe à Montréal et dont il s’ennuie. Il aime malgré tout son expérience au Saguenay. « Avec le temps, j’ai trouvé le moyen de rencontrer des gens qui partageaient certaines de mes passions. » Un nouveau Saguenéen ? « Non, non. Moi je reviens à Montréal bientôt. J’ai hâte. Dans six mois.»

L’organisme Solidarité rurale du Québec affirme que la mobilisation des milieux ruraux est principalement tributaire de leur potentiel à retenir et à attirer de nouveaux résidants, de nouveaux talents et de nouvelles compétences. Dans un colloque intitulé Culture des villes. Culture des champs à Victoriaville au début de l’été, Éric Forest, maire de la ville de Rimouski, rappelait que la culture fait partie des facteurs de rétention des jeunes migrants au Québec, parce qu’elle est source de fierté, d’appartenance et de revitalisation. «Il faut que les gens aient le goût de s’installer chez nous, d’y demeurer, et la culture est un des leviers, à mon avis, fondamentaux de ce grand défi que les collectivités ont à relever aujourd’hui », explique-t-il.

Coopérative culturelle

Comme Thierry Sirois l’évoquait, les milieux ruraux au Québec manquent de vie culturelle, c’est-à-dire de lieux de rassemblement créatifs et stimulants. C’est pour cette raison qu’on voit émerger des centres culturels depuis quelques années, un peu partout au Québec. En 2003, dans la revue Action nationale, Marc- Urbain Proulx, professeur d’économie à l’Université du Québec à Chicoutimi, soulignait à ce sujet «[…] les succès de l’économie sociale, des coopératives, de l’entraide communautaire et du développement local en général ».

Les coopératives qui voient le jour sont d’innovateurs hybrides entre un pub, une salle de spectacle, une galerie d’art, un café, une micro-brasserie… Un concentré de culture dans des milieux où l’offre manque cruellement. Ce genre d’idées fait ainsi boule de neige, et l’on voit ce canevas – coopérative à la fois bar, salle de spectacle, lieux de vernissage et promoteur de produits locaux — se multiplier au Québec.

Difficultés

En 2008, Christine Bricault et Myriam Simard dressaient le portrait de la situation dans une revue de littérature sur les Atouts, difficultés et défis des entreprises culturelles d’économie sociale en milieu rural (INRS). Les deux chercheuses concluaient sur l’importance de la culture en région : «Non seulement les organismes d’économie sociale peuvent-ils agir comme facteur de maintien, mais ils permettent également une forme de redynamisation du territoire. » Elles soulignaient aussi les principaux problèmes quant à la création de lieux culturels en région : «Les principales difficultés auxquelles se heurtent les projets et activités culturels en milieu rural sont la faible densité de population, le manque de moyens financiers des collectivités, l’absence d’infrastructures et l’éloignement. » Des artistes de renom passent malgré tout régulièrement dans ces salles loin de Montréal. Patrick Francke-Sirois, guitariste du groupe Maken Kozapo, reprenait en d’autres termes les problèmes que citaient Mesdames Bricault et Simard : «Le problème, en région, c’est plutôt d’attirer des gens lors d’événements culturels. Les gens se déplacent peu lorsqu’ils ne connaissent pas ce qui joue. Le meilleur moyen est alors de jouer avec un groupe local. Alors, parfois, Malajube et Karkwa se ramassent devant des foules de 10-20-30 personnes, malgré leur “statut hot” à Montréal.»

À noter, les billets pour Socalled et We Are Wolves se vendaient 15 $ en septembre à La Chasse- Galerie à Lavaltrie. Ça donne envie de sortir de Montréal.