Finissants pharmaciens en otage

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Par Catherine Dib
vendredi 21 avril 2017
Finissants pharmaciens en otage
Des étudiants pharmaciens de l'UdeM lors d'une marche pour réclamer le retour de leurs stages le 19 mars dernier. Crédit photo : Julien Tardif
Des étudiants pharmaciens de l'UdeM lors d'une marche pour réclamer le retour de leurs stages le 19 mars dernier. Crédit photo : Julien Tardif
De futurs pharmaciens s’inquiètent d’un retard dans leur parcours scolaire, voire d’une absence de diplômation. Plusieurs étudiants en pharmacie de la cohorte 2017-2018 attendent toujours de connaître la nature de leur stage en août prochain, obligatoire pour compléter leur parcours universitaire.
« Même si le bras de fer entre les pharmaciens et Québec se résout, le téléphone ne sonnera pas de sitôt pour nous annoncer de nouvelles places de stage ! »
Ema Ferreira, vice-doyenne aux études de premier cycle en pharmacie

L’effet domino des négociations entre Québec et les pharmaciens menace l’avenir de la profession. Les cliniciens opposés aux mesures du ministre de la Santé ont retiré leurs offres de stage afin de faire pression. Ainsi, les stages obligatoires pour obtenir le titre de pharmacien se font rares. Encore 75 % des stages des étudiants de dernière année de l’UdeM et de l’Université Laval n’ont pas été attribués.

« Je ne sais toujours pas où je vais être l’année prochaine, ça pourrait être n’importe où au Québec », déplore l’étudiant au baccalauréat en pharmacie Charles-Édouard Morel. Il cite la logistique du déménagement et de planification comme étant des inconvénients qui concernent tous les étudiants de son année. « On nous disait qu’on aurait des détails en mars, précise-t-il. Mais on est à la mi-avril et on n’a absolument aucune assignation. »

Bien qu’il se sente optimiste en ce qui concerne les prochaines étapes entamées par la Faculté de pharmacie, notamment des rencontres prévues avec des acteurs du milieu, il avoue qu’un retard d’un ou deux mois minimum pour la diplomation est à prévoir. « Mon inscription à la maîtrise pour l’année prochaine sera sans doute difficile en raison des retards », pense l’étudiant. La situation de Charles-Édouard fait écho à celle de plusieurs autres élèves dont les plans professionnels et universitaires sont en suspens.

Un statu quo dangereux

Le président de l’Association des étudiants en pharmacie de l’UdeM, Nicolas St-Onge, déplore le statu quo de la crise. « Il sera assez complexe de trouver une solution, car les acteurs ont chacun leurs raisons de maintenir leur position actuelle », avoue-t-il. Pris entre l’arbre et l’écorce, les associations concernées ont fait signer des lettres à plus de 800 étudiants. Le tout a été envoyé à la fin du mois de mars aux députés provinciaux, qui ont déclaré accorder une attention particulière aux missives. « C’est une réponse politiquement correcte, reconnaît le président. On espère que ça bougera. » Le gouvernement et les pharmaciens ont fini par bouger, mais l’impact sur les étudiants demeure [Voir encadré].

Pour l’année prochaine, la vice-doyenne aux études de premier cycle en pharmacie, Ema Ferreira, déclare qu’il manque la moitié des stages en milieu communautaire. Elle assure néanmoins qu’un plan de match est sur la table à dessin, sans en révéler les détails. « On songe à plusieurs solutions, mais rien n’est arrêté, précise-t-elle. On ne veut pas induire nos étudiants en erreur dans le cas d’un revirement de situation. » La possibilité de stages plus flexibles est envisagée, mais à deux conditions : tous les étudiants doivent avoir au moins un stage en milieu communautaire et les quarante semaines de stage doivent être à temps plein.

Elle espère que l’énième négociation entre l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires et le gouvernement provincial va porter fruit. « Même si le bras de fer entre les pharmaciens et Québec se résout, le téléphone ne sonnera pas de sitôt pour nous annoncer de nouvelles places de stage ! », se désole la vice-doyenne.

Horizon trouble

Le manque de stages aura aussi des conséquences à long terme. En plus d’avoir un effet négatif sur les stages des cohortes des années suivantes, la crise engendre un désintérêt chez les potentiels étudiants pour la profession de pharmacien. La rentrée d’automne 2017 à l’UdeM compte 300 demandes d’admission de moins que celle de 2016. Avec moins d’inscriptions d’année en année, une pénurie de main-d’œuvre en pharmacie pointe à l’horizon.

Un autre enjeu majeur concerne l’agrément de la Faculté de pharmacie de l’UdeM. Cette accréditation universitaire, remise aux facultés de pharmacie par l’Association nationale des organismes de réglementation de la pharmacie (ANORP) et l’Association des facultés de pharmacie du Canada (AFPC) permet aux diplômés d’exercer leur profession. Or, l’agrément de l’UdeM doit être renouvelé à l’automne prochain, et l’une des normes importantes à respecter implique que les étudiants démontrent être prêts à exercer la profession en prodiguant des soins aux patients par l’entremise d’un stage. Actuellement, ce critère n’est pas totalement rempli par la Faculté de pharmacie de l’UdeM, et un refus d’agrément mettrait en péril tous les futurs diplômés.

Les solutions commencent à manquer, et la pression se fait de plus en plus forte pour une résolution rapide de cette crise.

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