Culture

Coup de pinceau musical

Quartier Libre : Dans quelles circonstances as-tu découvert Jean-Paul Riopelle ?

Myriam Boucher : J’ai découvert cet artiste avec un ami lors d’une exposition au Musée national des beaux-arts du Québec. Je suis tombée sur cette série de tableaux formant une immense fresque. Il s’agissait de son œuvre Hommage à Rosa Luxembourg, travaillée avec des pochoirs d’oiseaux et beaucoup de couleurs, de formes. J’ai tout de suite été transcendée par cette représentation fixe, mais pleine de vie de la nature, dans laquelle je me suis tout à fait reconnue. J’aime particulièrement exploiter ces matériaux dans mon travail, c’est mon univers.

Q. L. : Pourquoi as-tu été touchée par son travail, dans un premier temps ?

M. B. : Si j’ai été à ce point sensible, dès mon premier contact avec sa peinture, c’est notamment parce que son investissement personnel et émotif me rejoignait beaucoup. Il rend hommage à la nature de façon non cérébrale. Son geste est inspirant et musical, je me suis immédiatement sentie proche de son travail de par ses techniques, mais surtout des sensations spontanées et naturelles qu’il procure.

Q. L. : En quoi est-il une source d’inspiration pour tes propres créations ?

M. B. : Il s’inspire beaucoup de la nature, et c’est également mon cas. Je pars d’une idée comme l’eau, la neige, les oiseaux et, comme lui, j’essaie de la travailler pour qu’elle ne décrive pas les éléments, mais qu’on les ressente. Ses créations sont basées sur l’émotion, la liberté, et son engagement non conventionnel est une réelle source d’inspiration pour moi. Comme lui, j’essaie de faire tendre mon travail vers une conception presque mystique de la nature, sans nécessairement répondre à des normes académiques.

Je travaille en ce moment en résidence de création sur un projet de performance audiovisuelle qui sera présenté dans le dôme de la Société des arts technologiques du 16 au 19 mai. Ma contribution à cette performance, en collaboration avec des artistes musicaux, est notamment inspirée par le style des peintures de Jean-Paul Riopelle. Mon travail de compositrice en général, tant en vidéo qu’en musique électroacoustique, me rend plus sensible à sa façon de représenter la nature.

Q. L. : Affecte-t-il ton travail universitaire ?

M. B. : Pas directement, mais à travers toutes mes pièces, on peut également retrouver des couleurs, des peintures en mouvement, un univers proche du sien. Son œuvre est quelque part dans ma tête, donc elle doit sans doute m’influencer de manière inconsciente. Ce n’est pas réfléchi, mais c’est là.

Q. L. : À quelle partie de son œuvre es-tu la plus sensible ?

M. B. : C’est sans hésiter son rapport à la liberté. On sent dans sa façon de peindre et dans son engagement une volonté de ne pas se soumettre aux conventions, de toujours se renouveler. La musicalité qui émane des peintures de Jean-Paul Riopelle s’exprime par un geste très organique, les toiles sont très denses, texturées, pleines de couleurs, de formes, de détails. C’est plein de vie. On s’en rend notamment compte dans son œuvre Poussière de soleil (1954), devant laquelle on peut imaginer un déroulement temporel, une matière sonore qui rejoint totalement l’univers contemporain auquel j’appartiens.

Q. L. : Joue-t-il un rôle déterminant dans ta discipline universitaire ?

M. B. : Non, je ne l’ai jamais abordé dans le cadre de mes cours, mais je suis une personne très autodidacte, parce que les études créatives demandent d’avoir beaucoup d’inspirations et de connaissances individuelles. J’ai par ailleurs la chance d’avoir un professeur de composition et directeur de recherche qui me laisse beaucoup de liberté. Il ne me pousse pas et m’accompagne dans mes projets. Mes études universitaires me permettent d’apprendre et de maîtriser les outils créatifs, mais les artistes comme Jean-Paul Riopelle, qui inspirent nos univers respectifs, tiennent plus du domaine extrascolaire.

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