Comprendre la lumière bleue

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Par Karina Sanchez
lundi 7 octobre 2019
Comprendre la lumière bleue
Crédit photo : Image partookapic de Pixabay
Crédit photo : Image partookapic de Pixabay
La lumière bleue émise par le soleil et par les écrans de nos appareils électroniques suscite des craintes, au point que des filtres ou lunettes de protection sont en vente. Sa nocivité sur la santé oculaire reste néanmoins à prouver, et elle peut même avoir des effets positifs sur la concentration, lorsque l’exposition est contrôlée.

La docteure en sciences neurologiques et en chronobiologie humaine à l’UdeM, Marie Dumont, affirme que la lumière bleue stimule et renforce l’éveil chez les utilisateurs d’écrans. Elle explique que durant le jour, cette lumière favoriserait la concentration, la vigilance et la performance au travail1. Mais une exposition le soir ou la nuit peut amener des déséquilibres et même affecter le sommeil. « Elle peut décaler l’horloge biologique interne d’un individu, insiste-t-elle. Et causer exactement le même effet que lorsqu’on part en voyage. »

Mme Dumont explique que comme la lumière bleue envoie au cerveau le message qu’il fait encore jour, les fonctions métaboliques qui prennent normalement place à la tombée de la nuit n’entrent pas en activité. « Le corps sécrète donc moins de mélatonine, l’hormone responsable du sommeil, et continue à produire du cortisol, l’hormone qui contribue à maintenir l’individu en état de vigilance », développe-t-elle.

L’étude de la lumière bleue

S’il a été démontré sur un plan théorique — en laboratoire — que la lumière bleue peut tuer des cellules oculaires, le professeur agrégé de l’École d’optométrie à l’UdeM Nicolas Fontaine précise que cette expérience menée par des chercheurs espagnols en 20132 ne reproduit pas les conditions naturelles auxquelles les yeux sont normalement soumis. Il explique que les cellules ont été isolées et bombardées d’une quantité de lumière bleue plus forte que celle produite par un écran et pour une durée plus longue que l’exposition normale d’une personne aux écrans. « L’expérience ne tient pas compte des pigments dans les yeux, qui peuvent nous protéger contre ce type de lumière », ajoute M. Fontaine.

Un soleil aux rayons bleus

La lumière bleue à craindre est plutôt celle provenant du soleil, insiste le professeur. « La lumière bleue provenant du soleil, oui, c’est prouvé que ça peut créer des dommages significatifs (aux yeux) » explique-t-il. Alors que celle produite par les écrans est minime par rapport à celle émise par la lumière solaire. » C’est la santé oculaire des personnes qui travaillent de longues heures à l’extérieur qui serait plutôt en jeu, selon lui.

Les filtres de protection

Selon le professeur, le recours à des filtres, autant sur les écrans que sur des lunettes pour se protéger les yeux, ne serait donc pas nécessaire, car les risques associés à la lumière bleue des écrans n’ont pas été prouvés. « Il y a beaucoup de marketing pour se protéger contre la lumière bleue et pour vendre ce type de lunettes, s’exclame-t-il. Est-ce que ça vaut vraiment la peine d’investir beaucoup d’argent, alors qu’il n’y a pas de preuves formelles que c’est nocif ? »

M. Fontaine reconnaît toutefois que la lumière bleue provenant des écrans peut être la cause d’une fatigue oculaire, qui se manifeste sous la forme de picotements et entraîne un certain inconfort. C’est alors que l’utilité des filtres prend un nouveau sens. « Il y a certains individus qui gagnent effectivement à avoir un filtre qui coupe une partie de la lumière bleue, particulièrement s’ils utilisent leur ordinateur pendant de longues heures », ajoute-t-il.

La myopie : un risque latent

L’exposition prolongée à des écrans rapprochés peut causer la myopie, un phénomène courant surtout chez les étudiants, signale M. Fontaine. Il explique que pour réduire les risques de contracter ce trouble de la vision, il faut accorder des pauses à ses yeux. « Après 20 minutes d’exposition à un écran, il est recommandé de porter son regard sur autre chose pendant près de deux minutes. »

Changer ses habitudes

« Avant, mes yeux étaient souvent très fatigués, relate l’étudiante au baccalauréat en histoire à l’UdeM Patricia Timoteo, qui s’est procurée des lunettes dotées d’un filtre. J’avais aussi beaucoup de difficulté à dormir avant de mettre des filtres sur tous mes appareils, mais là, ça va beaucoup mieux, même si ce n’est pas totalement réglé au niveau du sommeil. » L’étudiante a réglé ses appareils de manière à ce qu’un filtre s’active automatiquement chaque soir dès 21 h 30.

L’étudiante au baccalauréat en droit à l’UdeM Clara-Anne Larouche constate aussi des progrès depuis son recours aux lunettes avec filtre. « La différence de luminosité est quand même grande, mais on le réalise seulement si on retire ses lunettes, explique-t-elle. C’est sûr que ce n’est pas parfait, j’ai encore des maux de tête, surtout quand je passe une journée complète sur mon ordinateur, mais ma qualité de sommeil s’est améliorée depuis l’an dernier. »

Des recherches afin de concevoir des écrans libres ou de faible intensité de lumière bleue sont en cours, indique Mme Dumont. Mais en attendant leur arrivée sur le marché, la docteure recommande de cultiver de bonnes habitudes avant le coucher. (Voir encadré).

1. Selon une étude menée par l’Université de Bâle, en Suisse, en 2011.

2 . Journal of Carcinogenesis & Mutagenesis

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