Code : la langue du futur?

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Par Fanny Bourel
mardi 13 novembre 2012
Code : la langue du futur?
(Crédit photo : Pascal Dumont)
(Crédit photo : Pascal Dumont)

L’art de la programmation informatique peut paraître réservé aux professionnels. dans un monde où la technologie est omniprésente, savoir programmer va-t-il devenir une compétence essentielle à acquérir pour tous?

Marco Lugo est étudiant au baccalauréat en économie à l’UdeM. Ses compétences en programmation lui ont permis d’être embauché au Centre interuniversitaire de recherche, de liaison et de transfert des savoirs en analyse des organisations (CIRANO), alors que l’organisme ne recrute en général que des étudiant à la maîtrise ou au doctorat. Il travaille actuellement avec une doctorante en économie expérimentale, un domaine qui étudie les comportements économiques individuels ou collectifs à l’aide d’expériences.

Il vient de terminer un programme informatique afin qu’elle puisse tester sa thèse. « Elle m’a dit : “Tu es tellement chanceux! Si tu continues jusqu’au doctorat en économie expérimentale, tu seras en mesure de connaître les limites de ce qui est faisable ou pas.” Si elle avait pu programmer, elle aurait pu mieux adapter sa recherche », raconte-t-il .

Si devenir programmeur ne fait pas partie de vos objectifs de carrière, savoir coder pourrait devenir la prochaine ligne à ajouter à votre CV, y compris dans des domaines non scientifiques. Des logiciels comme WordPress permettent aux novices de créer un blogue ou un site internet. Être capable de modifier directement le code source des pages d’un site, c’est pouvoir résoudre soi-même les problèmes et adapter le site en fonction de ses besoins (voir encadré) .

Même le maire de New York, Michael Bloomberg, a décidé de placer son année 2012 sous le signe de l’apprentissage du code par l’intermédiaire de codeyear.com (voir article ci-contre). Moins de trois mois après son lancement en janvier dernier, 400 000 personnes s’y étaient déjà inscrites .

 Former son esprit

« Celui qui aura la chance d’avoir des rudiments en programmation pourra mieux utiliser les nouvelles technologies, mais ce n’est pas une nécessité, surtout pour quelqu’un qui étudie les sciences infirmières, par exemple », pense le directeur des études de premier cycle et professeur au Département de génie informatique et génie logiciel de l’École polytechnique de Montréal, Yves Boudreault.

 M. Boudreault compare le débat sur la nécessité d’apprendre à coder à celui sur l’utilité des cours de philosophie au cégep. « Les cours de philo m’ont été utiles pour organiser ma pensée et sortir de mon carré de sable, explique-t-il. Je vois l’apprentissage de la programmation comme une école de la pensée, cela apprend comment organiser une réflexion. » Il croit que le grand public devrait s’y intéresser. « Apprendre à coder est utile pour tout le monde. Cela permet d’acquérir une bonne méthode de résolution de problèmes » affirme-t-il .

 Maîtriser au moins un peu l’art de la programmation est également nécessaire selon le théoricien des médias et auteur de Les 10 commandements de l’ère numérique, Douglas Rushkoff, qui est une figure reconnue de la cyberculture aux États-Unis. « Il est important que nous comprenions dès maintenant la façon dont les technologies fonctionnent, car nous avons encore une chance de devenir un acteur conscient dans cette ère numérique », a-t-il souligné dans une entrevue accordée en octobre 2011 à l’émission Spark à l’antenne de CBC Radio 1.

Être le conducteur, et non le passager

M. Rushkoff plaide donc pour que tous ceux qui utilisent massivement les technologies soient en mesure de le faire de manière active. Cela leur permettra de ne pas dépendre des choix que les géants que sont Google ou Facebook font pour eux, choix que ces entreprises effectuent avant tout en fonction de leurs propres intérêts .

 Il fait l’analogie avec la voiture. « Je ne demande pas aux gens de connaître la mécanique automobile, mais de savoir conduire, et non d’être le passager [comme le sont la plupart des utilisateurs passifs des nouvelles technologies], a-t-il estimé. Si vous avez une voiture, vous devez savoir la conduire à moins d’avoir une confiance absolue envers le conducteur pour qu’il vous emmène partout, et en prenant le meilleur chemin. »

Il croit donc que l’apprentissage du code ne devrait pas être l’apanage des étudiants en informatique. « Nous devons apprendre aux jeunes à coder au même titre qu’on leur enseigne à développer une pensée critique à l’égard des médias. C’est un savoir de base désormais. » Si M. Rushkoff souhaite voir tout le monde être capable de programmer, il reste réaliste et ne s’attend pas à une généralisation de l’apprentissage de la programmation informatique. « Cela va sans doute nécessiter une douzaine de pirates informatiques chinois faisant tomber Citibank pour que les gens en Amérique se disent qu’il est temps d’enseigner la programmation dans les écoles au même titre que les enfants apprennent à lire ou à écrire », avance-t-il.  

 

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Savoir coder, à quoi cela sert concrètement?

  • L’étudiant en chimie à l’UdeM, Samuel Blais, a récemment mis en vente un article sur le site eBay. « Je n’étais pas satisfait de la manière dont l’article était présenté, alors j’ai modifié moi-même le code de la page », explique-t-il.
  • Depuis qu’elle étudie la programmation dans le cadre d’un certificat en informatique appliquée à l’UdeM, Hasna Boukadida sait créer des petits jeux vidéo pour son fils. « Par exemple, j’ai déjà réalisé un jeu avec un aigle qui chasse sa proie au sol, du ciel à la terre », raconte-t-elle.
  • Connaître des rudiments en langage Python permet également d’automatiser certaines tâches sur Excel et ainsi de maximiser le potentiel du logiciel.
  • Savoir coder peut aussi permettre de prédire les grandes tendances de son domaine professionnel et ainsi d’ajuster l’évolution de sa carrière pour ne pas se retrouver au chômage. « Imaginons que vous étiez agent de voyage dans les années 90, a écrit le chroniqueur technologique du magazine Slate, Farhad Manjoo, en mars dernier. Si vous aviez été familier avec la programmation, non seulement vous auriez pu vous rendre compte comment le développement d’internet pouvait menacer votre profession, mais vous auriez aussi peut-être pu prendre part au filon du voyage en ligne, développer votre propre site de voyage en ligne ou être recruté comme expert pour une des nouvelles entreprises du voyage en ligne.»