Can we study en français ?

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Par Pascale Langlois
mercredi 12 décembre 2018
Can we study en français ?
En Ontario, plus de 500 000 Canadiens* ont pour langue maternelle le français. Crédit : Benjamin Parinaud.
En Ontario, plus de 500 000 Canadiens* ont pour langue maternelle le français. Crédit : Benjamin Parinaud.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a abandonné le projet d’université francophone à Toronto. Plus d’un million de Canadiens ont pour langue maternelle le français en dehors du Québec*. Quelles perspectives d’études universitaires s’offrent à eux?
« Si on envoie le message que la normalité ou la modernité, ça se passe en anglais, on marginalise la langue française. »
Serge Miville - Professeur de la Chaire de recherche d’histoire de l’Ontario français

Pour l’étudiant en génie chimique Liam Roche, le choix de l’Université d’Ottawa, qui offre des cours en français, s’est imposé. « J’ai fait mon parcours primaire et secondaire en français, c’était logique que j’aille à l’université en français », affirme-t-il. Il déplore que toutes les communications et l’implication dans la vie universitaire se fassent majoritairement en anglais.

Les cours du futur ingénieur se donneront uniquement en anglais à partir de la deuxième session de sa troisième année. « Je me dis que ça pourra sûrement être utile de connaître les termes dans les deux langues, se console l’étudiant. Mais on va voir comment ça se passe. »

Plaidoyer pour une université unilingue francophone

La réalité de Liam est similaire à celle constatée par le professeur de la Chaire de recherche d’histoire de l’Ontario français, Serge Miville. « Le problème avec une université bilingue, c’est que la gestion est majoritairement en anglais, explique-t-il. On n’est pas dans le par et pour [la communauté francophone]. » Il rappelle que l’Ontario ne compte aucune université unilingue francophone. « Dans les universités bilingues, le français est cantonné à la salle de classe et à quelques associations, affirme le professeur. Si on envoie le message que la normalité ou la modernité, ça se passe en anglais, on marginalise la langue française. »

Des défis, de Moncton à Saint-Boniface

Dans la première province officiellement bilingue du Canada, le Nouveau-Brunswick, l’Université de Moncton est confrontée à des défis similaires. « À l’extérieur de l’Université, la vie en français est un combat de tous les jours, explique président de la Fédération des étudiantes et étudiants de l’Université de Moncton, Alexandre Cédric Doucet. Même si la ville est bilingue en théorie, ce n’est pas toujours vrai dans la pratique. » Dans cette province maritime, la vie universitaire se passe entièrement en français.

Cependant, Alexandre constate que plusieurs jeunes francophones privilégient une université anglophone pour la diversité des programmes et les spécialisations proposées. « L’Université de Moncton a des défis de recrutement, précise l’étudiant en droit. C’est plus coûteux pour elle de développer de nouveaux programmes attrayants. » Il ajoute qu’on y retrouve une forte population d’étudiants étrangers, ce qui contribue à remplir les classes.

C’est le cas de Ben, originaire du Sénégal, qui avait d’abord songé à étudier à l’Université d’Ottawa. Son frère, déjà installé à Winnipeg, l’a convaincu de la force de la communauté francophone à l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba. Il est aujourd’hui président de son association étudiante et dit s’être attaché à la culture franco-manitobaine.

Malgré tout, le fait que l’Université soit située dans une province majoritairement anglophone laisse des traces. « Dans les corridors, les élèves parlent beaucoup en anglais, raconte Ben. Dans les commerces autour, dès que je sors de Saint-Boniface [quartier francophone de Winnipeg], personne ne parle français. J’ai dû vite apprendre l’anglais. »

Un problème d’accessibilité

Selon M. Miville, les études postsecondaires en français au Canada, à l’extérieur du Québec, souffrent d’un manque d’accessibilité. « La distance entre les établissements est un problème, précise-t-il. Mais il y a également un manque de diversité des programmes. Il n’y a qu’un seul endroit pour étudier la médecine et la common law. Les arts libéraux sont bien servis, mais pas le génie, par exemple. »

À Toronto, le problème d’accessibilité est encore plus criant, selon le professeur. Il avance que seulement 6 % des programmes universitaires anglais sont offerts en français. « Dans les jours avant la grande manifestation du 1er décembre*, des étudiants du Collège français de Toronto ont manifesté quelques heures dans les rues, raconte-t-il. Ça veut dire que le projet d’une université francophone est porteur. » Il précise que Toronto est la ville qui connaît la plus forte croissance démographique francophone, portée entre autres par l’immigration.

* Selon le recensement de 2011.
** Les Ontariens ont manifesté en réaction aux compressions des services francophones annoncées par le gouvernement de M. Ford.
 
 
 

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