Ça brasse à Polytechnique !

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Par Vincent Allaire
mardi 8 février 2011
Ça brasse à Polytechnique !

Il est 23 heures, un lundi soir. Dans l’arrière-boutique d’une brasserie de la rue Bernard, nous sommes quatre à boire les paroles d’un étudiant en génie chimique de l’École Polytechnique. Il s’appelle Philippe Malo Couture et il est maître brasseur chez Polybroue, un groupe étudiant de l’École Polytechnique, spécialisé dans le brassage de bière. Il nous explique les étapes de confection de la bière blonde que nous dégustons. C’est la soirée de lancement de L’Indus, la deuxième bière créée par Polybroue.

«J’ai voulu retourner boire une pinte une semaine après le lancement et il n’y en avait plus!», raconte Philippe Leclerc, étudiant en 3e année de génie chimique et directeur de Polybroue, dans le petit local du 3e étage de l’École Polytechnique.

Cela a pris seulement six jours pour que les 500 litres de bière soient bus à la brasserie Helm, située sur la rue Bernard. Le lancement de L’Indus [voir encadré] du 24 janvier a attiré près de 200 étudiants, remplissant le bar au complet.

Illustration : Alexandre Paul Samak

Plus de la moitié de la bière a été bue à cette occasion. Quant au reste, les consommateurs réguliers de Helm l’ont englouti dans les jours suivants. «C’est vraiment un beau succès», reconnaît Marc-Olivier Huot-Drouin, viceprésident aux affaires internes de Polybroue. La Polybroue 1, première bière lancée en octobre, s’était écoulée en un peu plus d’un mois et demi pour la même quantité de bière.

«On devrait en brasser une nouvelle d’ici la fin de la session et la lancer au Helm», annonce Philippe Leclerc. La même ? Tout dépendra des autres bières proposées par le Helm à ce moment-là.

Mais la nouvelle bière n’est pas leur seule préoccupation. Ce groupe d’étudiants voit grand. «Nous voulons brasser à l’intérieur des murs de la Poly. Le problème, c’est la Régie des alcools », explique Marc-Olivier Huot-Drouin.

Maudite Régie

La Régie des alcools, des courses et des jeux serait l’obstacle incontournable de tous les brasseurs de bière du Québec. Polybroue ne mène pas le combat seul. L’Association Brassicoles des Étudiants du Québec (ABEQ), qui regroupe notamment l’Université de Sherbrooke (SherBroue) et l’Université Laval, demande depuis 2007 au gouvernement du Québec la création d’un nouveau statut de brasseur académique. Ce statut leur permettrait de brasser à l’intérieur des murs et de vendre leur création liquide en toute légalité.

Un combat difficile à mener. «Il y a beaucoup de préjugés, explique Sophie Hudon, viceprésidente aux affaires externes. La Régie pense que nous voulons brasser de la bière cheap.» Une image difficile à briser, car «la Poly a une mauvaise image en ce qui concerne la consommation d’alcool», admet Marc-Olivier Huot-Drouin.

Bière 101

C’est pourquoi, en parallèle, Polybroue mène un tout autre combat de front. L’objectif: créer un cours de 4e année d’introduction au brassage de bière, accessible aux étudiants de génie chimique, mais aussi aux autres génies. «Idéalement, le cours devrait être donné pour la première fois d’ici deux à trois ans», dit Philippe Leclerc.

Il a établi le curriculum de base de ce premier cours, notamment grâce à un stage financé par le département de génie chimique de l’École Polytechnique l’été dernier. «Si le premier cours marche bien, l’objectif serait de faire des cours plus spécialisés», dit-il.

Le rêve ultime de ces amateurs de bière serait de remplacer la concentration de génie chimique en alimentation, qui existe en ce moment, en une concentration en génie brassicole, une première au Québec. « L’idéal, c’est que le programme voit le jour dans 10 ans», explique Philippe Leclerc.

D’ici là, il prévoit faire sa maîtrise en génie brassicole à l’Université catholique de Louvain, en Belgique. Prévoit-il revenir au Québec ? Bien sûr. «Ce sera d’ailleurs peut-être nous, les pionniers des cours en brassage de bière.»

Polybroue, brasseur étudiant

Polybroue, c’est neuf membres à l’exécutif et une vingtaine d’étudiants, tous de l’École Polytechnique et passionnés par le brassage du liquide houblonné. Le département de génie chimique les chapeaute. «Mais cette année, on compte aussi des étudiants d’autres génies notamment industriel et mécanique, explique Sophie Hudon, vice-présidente aux affaires externes. Nous organisons aussi des visites en entreprise comme Brasseurs de Montréal.»

Polybroue a été fondé en 2004, puis fermé en 2007, faute de pouvoir brasser à l’intérieur même de l’École Polytechnique. Ce n’est qu’à l’hiver 2009 que trois étudiants décident de relancer le projet : Philippe Malo Couture, Marc-Olivier Huot-Drouin et Philippe Leclerc. L’idée cette fois-ci : s’associer à une brasserie à l’extérieur et utiliser leur matériel. La brasserie Helm, sur la rue Bernard, est choisie. «Helm paye les matières premières et récolte tous les pro fits. Nous ne faisons pas d’argent avec ça », explique Marc-Olivier Huot-Drouin.

Pourquoi l’Indus ?

C’est un diminutif pour désigner le génie industriel, reconnu, paraît-il, pour ses jolies filles aux cheveux blonds… Sexiste ? « C’est moi qui ai eu l’idée, raconte Sophie Hudon, vice-présidente aux affaires externes de Polybroue. Ce n’est pas du tout méchant. On vient majoritairement de génie chimique. C’est juste une blague d’une faculté qui en niaise une autre. »