Boys band un jour, boys band toujours

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Par Eric Deguire
mercredi 26 janvier 2011
Boys band un jour, boys band toujours

Lady Gaga, Eminem, Katy Perry, Ke$ha, Drake, Taylor Swift et Justin Bieber : en 2011, la scène musicale populaire semble être dominée par des artistes solos. Il y a une quinzaine d’années, plusieurs boys bands notables occupaient un rôle déterminant dans l’univers de la pop. Mais qu’est-il donc advenu des Backstreet Boys, *NSYNC, New Kids On The Block et Boys II Men ?

«Je suis allée voir les Backstreet Boys au Centre Bell en 2010 en me disant que c’était l’occasion ou jamais. Je n’étais jamais allée les voir en show, confie Valérie Bouthillier, le ton posé, sans se vanter. J’étais au parterre. Je portais des bouchons, pas à cause de la musique, mais parce que les filles étaient hystériques. À la fin du show, j’avais mal à la tête, à cause de toute cette frénésie », poursuit-elle. Valérie Bouthillier, 23 ans, ne se présente pas comme une groupie invétérée. À huit ans, comme toutes ses amies de quatrième année du primaire, elle en bavait pour les Backstreet Boys. C’étaient les années 1990: même les garçons rêvaient de se parer les oreilles d’une coupe de cheveux à la Nick Carter. Valérie Bouthillier avait plutôt un faible pour Brian Littrell, numéro 2 du groupe. «Ensuite, je suis passée à autre chose, j’ai découvert que les Beatles étaient un bien meilleur boys band », réfléchit-elle, une pointe de fierté dans la voix.

La marque durable des boys bands

Visiblement, les Backstreet Boys sont loin d’être morts. «Même si le phénomène des boys bands a connu une hausse de popularité pendant les années 1990, les boys bands ont toujours existé et continuent d’exister », constate Émilie Côté, journaliste pour La Presse ayant couvert le dernier spectacle des Backstreet Boys au Centre Bell. Même si la mutation de l’industrie de la musique populaire ne crée pas à l’heure actuelle des circonstances aussi favorables pour les boys bands, ceux-ci n’ont pas fini d’en faire voir de toutes les couleurs à leurs fans. Fait : les Backstreet Boys seront de retour au Centre Bell de Montréal avec New Kids On The Block en juin prochain. À quoi mènent toutes ces tournées nostalgiques ? « Ils vendent du rêve, explique Émilie Côté. Ils ont une image de bons gars, offrent des billets VIP pour les rencontrer en coulisse et remercient toujours les fans à maintes reprises.» Une stratégie judicieuse, qui permet de durer dans le temps.

Où est la relève?

Les Beach Boys étaient un boys band des années 1960 et c’est Jonas Brothers qui détient le titre en 2010, considère Émilie Côté. D’autres nouveaux boys bands connaissent présentement du succès, notamment JLS et US5, tous deux Européens, ainsi que les Sud- Coréens Big Bang et les Japonais Hey ! Say ! JUMP. « Pendant les années 1990, il y avait quelques boys bands plus importants, les Backstreet Boys, *NSYNC, 98 Degrees et [le phénomène] peut revenir dans trois ou quatre ans», explique-t-elle.

Le boys band peut-il alors se définir comme un phénomène lunaire ou cyclique ? Selon Danick Trottier, professeur à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, la musique pop vit présentement une période de crise. Autant dire qu’une mode semble révolue – et son marché correspondant. «Un boys band ne peut rapporter autant d’argent qu’il en rapportait dans les grandes années du vidéoclip et de la consommation de la musique pop», affirme-t-il, qualifiant les années 1990 de «grande décennie du vidéoclip». Internet permet dorénavant de télécharger les chansons et vidéoclips des groupes ou de les consommer directement sur YouTube, ce qui offre le luxe de choisir ce que l’on veut regarder. Le vidéoclip télévisuel, peut-être d’abord parce qu’il était imposé (seule option: zapper), représentait ainsi l’une des clés du succès des boys bands. Mais rendons à César ce qui revient à César : les producteurs savaient comment optimiser sa portée.

Une question de valeurs et d’attributs physiques

« Il ne faut jamais perdre de vue que la pop est un phénomène culturel qui se définit de manière audiovisuelle. Dans le cas des boys bands, l’image projetée est aussi importante voire davantage que la musique proposée, remarque Danick Trottier. Pour les adolescentes, les Justin Timberlake (favori de *NSYNC) de c e monde r epr é s ent ent l’homme rêvé et permettent d’idéaliser un amour de jeunesse ; pour les adolescents, ils définissent une identité masculine comme vecteur de reconnaissance et d’émulation. »

En plus d’être visuellement intéressante, l’image que projetaient les boys bands véhiculait les valeurs des adolescents des années 1990. Éduqués sous les valeurs de la société de consommation, les jeunes ados rêveurs issus de la génération Y s’identifiaient fortement aux valeurs véhiculées par les boys bands qui correspondaient, selon Danick Trottier, à « une image décontractée et cool, une identité sexuelle mise en valeur, un statut social issu de la bourgeoisie américaine, une mise en valeur des attributs physiques ». À l’époque, impossible de résister.

Il va sans dire qu’aucun producteur n’a oublié la formule gagnante qui a mené au succès phénoménal des boys bands pendant les années 1990. Le producteur s’est adapté. «Si les Boys bands ont perdu en popularité, c’est aussi en raison de l’hypercentralisation autour de la star comme unique vecteur de la musique pop », conclut Danick Trottier, rappelant que le déclin des boys bands au début des années 2000 est fortement lié à l’émergence d’artistes solos tels que Eminem, Britney Spears, Shakira et Avril Lavigne. Voilà qui permet de boucler la boucle.

Saviez-vous que ?

« Are you 18-23 with the ability to sing/dance ? Are you streetwise, ambitious, outgoing and determined ? » Cette annonce, publiée dans le journal britannique The Stage, a permis à Ginger, Posh, Baby, Scary et Sporty de connaître amour gloire et beauté. Pas de doute, les cinq jeunes femmes étaient ambitieuses et déterminées : ainsi, trouvant leur manager trop contrôlant, Geri Halliwell et cie décident de s’en débarrasser et en dénichent un autre, Simon Fuller – il gérera plus tard la carrière des S Club 7.

Après les compensés et les minijupes, au tour des biceps et des chorégraphies dignes des meilleurs chippendales. Le roi des boys bands, c’est Lou Pearlman. Géniteur des Backstreet Boys, N’Sync, O-Town et des Take That, ce manager détient les clefs du succès : plaire autant aux jeunes adolescentes qu’aux parents tenant le portefeuille.

Saviez-vous d’ailleurs que les Backstreet Boys connurent leur premier succès au Québec ? Alors anonymes aux États-Unis, ils furent acclamés par une foule en délire… à l’International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Mais que sont-ils devenus, tous ces jeunes éphèbes à la chevelure peroxydée ? Les chemins de la rédemption sont multiples. Quentin, l’un des membres du groupe français Alliage, s’est recyclé en star du porno gay aux États-Unis. Une formule qui paraît plus rentable que la voie choisie par Brian Thomas Littrel, ancien membre des Backstreet Boys : avec son album solo Welcome Home, il se consacre uniquement aux chants chrétiens. Pour regagner un semblant de notoriété, les minets vieillissants sont clairement prêts à tout…

En collaboration avec Christine Berger et Aude Garachon