Atteindre le sommet

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Par Julien Tardif
vendredi 7 avril 2017
Atteindre le sommet
Illustration : Adriane Paquin-Côté.
Illustration : Adriane Paquin-Côté.
Le classement mondial des meilleures universités par discipline de recherche a été publié au début de mois de mars par la firme Quacquarelli Symonds (QS). Quartier Libre a obtenu une lettre envoyée par l’UdeM à ses employés pour favoriser une montée dans le classement. Regard sur une méthodologie qui ne fait pas l’unanimité.
« Dans notre domaine d’étude, la critique est assez partagée envers ce type de palmarès, qui dépend énormément des indices choisis, dont la cohérence n’est pas toujours au rendez-vous. »
Source confidentielle de Quartier Libre au sujet de la lettre fournie à la communauté universitaire concernant le classement QS.

Ce sont 46 disciplines dans quelque 4 438 universités qui ont été évaluées par la firme londonienne QS cette année. Toutes ces données par discipline sont ensuite regroupées en un classement général où l’UdeM est passée du 83e au 126e rang de 2014 à 2016.

À ce sujet, le vice-recteur aux ressources humaines et à la planification de l’UdeM, Jean Charest, a fait parvenir une lettre à tous les vice-recteurs, doyens, directeurs de départements, d’écoles ou de centres de recherche de l’UdeM leur demandant de fournir une liste « des meilleurs collaborateurs académiques » dont Quartier Libre a obtenu une copie. « Il est demandé à chaque unité d’identifier les professeurs, les chercheurs, les cadres et gestionnaires académiques fortement susceptibles de citer notre université lors d’une telle enquête, peut-on lire dans cette lettre. Il est important d’inclure des noms qui n’apparaissaient pas sur la liste soumise l’an dernier. Idéalement, environ 85 % des contacts proviendraient d’autres pays que le Canada puisque QS accorde un plus grand poids aux références provenant de l’international. »

Pour l’UdeM, cette lettre n’est pas envoyée dans l’esprit d’influencer le classement ou le choix des professeurs. « C’est une façon de sensibiliser notre communauté à ce type de classement, à la manière dont on peut bien se positionner », réagit la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara.

Réputation en recherche universitaire

La méthodologie de ce type de sondage [voir encadré en page 5] accorde une grande importance (40 %) à la réputation en recherche universitaire de l’institution. Chaque université participant au classement doit fournir annuellement à QS certaines données institutionnelles, notamment des listes de chercheurs ou de professeurs de chaque discipline qui sont affiliés à l’institution. Certains d’entre eux seront contactés par QS afin de participer au classement annuel, sans que l’Université ne sache lesquels, d’après Mme O’Meara.

L’UdeM encourage ainsi ses professeurs à dresser des listes de collaborateurs qui pourront valoriser l’institution dans des secteurs bien précis. « À défaut de propositions, QS sélectionnera des experts qui n’ont potentiellement pas une connaissance suffisante du contexte de l’UdeM, indique à titre personnel le directeur du Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’UdeM, Houari Sahraoui. Par exemple, si un expert en informatique sélectionné par QS effectue ses travaux de recherche sur les bases de données, domaine dans lequel il n’y a pas d’équipe de recherche à l’UdeM, il se référera à sa propre communauté en concluant que l’UdeM n’est pas vraiment reconnue. Par contre, s’il travaille en intelligence artificielle, il jugera objectivement que l’UdeM est l’une des universités les plus connues du monde. » Autrement dit, si l’UdeM n’oriente pas QS vers des experts qui connaissent bien la réalité et les forces de leur département, son classement pourrait en être affecté.

Imprécision méthodologique

Pour certains, cela démontre surtout l’imperfection de ce type de classement dont les résultats peuvent être influencés. « C’est une manipulation des résultats, affirme la source confidentielle de Quartier Libre qui a fourni la lettre. Les universités tiennent à percer le top 100, oubliant leur mission première qui est d’offrir une éducation de qualité aux étudiants de premier cycle. »

Sans aller aussi loin, certains enseignants jugent l’importance accordée à ces classements un peu démesurée considérant les résultats approximatifs. « À la réception de cette lettre, nous en avons discuté entre collègues, affirme un enseignant de l’UdeM qui désire également rester anonyme. Dans notre domaine d’étude, la critique est assez partagée envers ce type de palmarès, qui dépend énormément des indices choisis, dont la cohérence n’est pas toujours au rendez-vous. »

Ces classements peuvent tout de même être utiles, sur le plan de la notoriété internationale de l’UdeM. « Bien que très imparfaits, les classements permettent de souligner l’excellence de nos institutions, affirme la doyenne de la Faculté de pharmacie de l’UdeM, Lyne Lalonde. Je dirais que ce sont des outils de marketing qui peuvent aider à nous faire connaître au Canada et à l’international. Nos activités comme l’accueil d’un congrès international ou nos écoles d’été internationales […] contribuent à améliorer notre classement. »

L’envie de voir sa discipline bien positionnée au classement peut inciter les départements à mettre l’accent sur la recherche et la production scientifiques. « La seule façon de maintenir et d’améliorer notre classement est d’augmenter la qualité de notre production scientifique », affirme M. Sahraoui, notant au passage l’importance d’attirer les meilleurs étudiants aux cycles supérieurs et les meilleurs chercheurs dans leur corps professoral afin d’améliorer la qualité de la recherche [voir encadré en page 4].

« C’est la deuxième année que ce type de lettre est envoyée, affirme Geneviève O’Meara. Simplement dans une idée de sensibilisation de notre communauté universitaire, qui est tant à Montréal qu’à l’international. » L’incidence réelle de ce type de classement sur les étudiants demeure difficile à quantifier, et même si la méthodologie préconisée est contestée par certains universitaires, une bonne position de l’UdeM est unanimement souhaitée. Si le classement QS par discipline sorti au mois de mars montre déjà une avancée de l’UdeM dans plusieurs domaines, ce n’est qu’à l’automne prochain que le classement général et final sera dévoilé.

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