Art sur le campus : Une murale incomprise

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Par Marianne Drolet-Paré
mardi 10 janvier 2012
Art sur le campus : Une murale incomprise

Au pavillon Marguerite-d’Youville, une murale de huit mètres représente les visages de celles qui sont à l’origine des sciences infirmières au pays. Pourtant, les étudiants passent souvent à côté de l’oeuvre sans la remarquer.

 

La murale de huit mètres du pavillon des sciences infirmières sans le panneau blanc qui la cache habituellement (Crédit photo: Pascal Dumont)

Au premier coup d’oeil, on remarque davantage les couleurs – l’orange, le blanc et le vert-gris – qui donnent l’impression d’une forêt d’automne semi-enneigée à vol d’oiseau. En hautrelief, des morceaux de terre cuite ressemblant à de la brique parsèment le muret incurvé. Sur certains, on lit les initiales des femmes représentées, sur d’autres on voit des figures, des symboles et des images qui évoquent le monde des sciences infirmières: un squelette, des organes, un stéthoscope, une croix.

«C’est vieux, puis c’est laid!» lance Sarah, qui étudie en sciences infirmières. Effectivement, la murale de céramique de Jiri Georges Lauda, L’Évolution du nursing, qui se trouve dans le hall d’entrée du pavillon Marguerite-d’Youville, est « vieille » de 38 ans. Mais tous les étudiants ne la trouvent pas laide.

Ludnie, aussi en sciences infirmières, dit sans hésiter : «C’est très beau et original… mais j’avoue que je n’avais pas vu les visages.» Il faut vraiment s’approcher de l’oeuvre pour apercevoir les têtes de femmes gravées dans la céramique. «Je n’avais pas remarqué les visages avant parce que je ne me suis jamais attardée longtemps à la murale,» explique Myriam, future infirmière. «C’est très automnal», trouvent Diane et Amel qui en sont à leur deuxième session en sciences infirmières.

 

 

Une histoire oubliée

On pourrait penser qu’en créant son oeuvre, Lauda s’imaginait les pionnières des sciences infirmières au pays côtoyant

Les visages des infirmières se dévoilent lorsqu’on s’approche de la murale. (Crédit photo: Pascal Dumont)

quotidiennement les infirmières de demain. Malheureusement, selon Amel, le lieu n’invite pas au rassemblement, ni même à la contemplation de l’oeuvre, puisqu’un grand panneau blanc sur roulettes la cache la plupart du temps. «Il y a à peine 30 secondes que je viens de remarquer la murale !» m’avoue-t-elle.

Le programme de sciences infirmières de l’UdeM n’enseigne pas l’histoire de la profession au pays. Seul le cours Discipline infirmière et profession comprend une visite au Musée des Hospitalières de l’Hôtel- Dieu, sur l’avenue des Pins Ouest. « Je ne vois pas l’utilité de connaître l’histoire de mon métier. Je préfère apprendre des notions directement liées à la pratique, pas au passé », pense Mireille, qui a visité le musée la veille. Papou approuve et ajoute : «On peut aller au musée pendant nos temps libres au lieu de perdre un cours. »

Aucune des étudiantes interrogées ne savait qui était Marguerite d’Youville (voir encadré). Pourtant, l’histoire est juste là, illustrée dans le hall, jour après jour.

Jiri Georges Lauda: Artiste multidisciplinaire né en République tchèque. Il a étudié dans son pays natal, en France et au Canada. Après son arrivée à Montréal en 1951, il obtient son diplôme en enseignement et participe à plusieurs projets d’art public, notamment dans le métro de Montréal. On lui doit la plaque commémorative de l’inauguration du métro en 1966: la gravure de bronze maintenant située au centre de «la rondelle» qui sert de lieu de rencontre au milieu de la station Berri-UQAM.

Marie-Marguerite d’Youville : Première Canadienne béatifiée, par le pape Jean XXIII, en 1959. Elle a vécu à Montréal et dédié sa vie entière aux plus démunis et aux malades. Elle a fondé la congrégation des Soeurs grises en 1744, en référence à son défunt mari, qui troquait illégalement de l’alcool aux Amérindiens en échange de fourrures. Les Soeurs grises ont été les premières à enseigner les sciences infirmières au Canada, dès 1935.