Selon Daniel Turp, amateur d’art et professeur en droit international à l’UdeM, un tableau d’une valeur de plusieurs millions de dollars est accroché à un mur de l’Université. Il suffit d’avoir accès au bureau de notre recteur, Guy Breton, pour voir Hommage à Nelligan (1971) de Jean-Paul Lemieux, une oeuvre qui fait partie de la collection de l’Université.
«Chaque fois que je vais dans ce bureau, ce qui compte pour moi c’est de voir ce tableau et de m’imprégner de l’atmosphère qui s’en dégage », avoue l’ex-député provincial de Mercier. Au premier plan, le tableau présente Émile Nelligan à l’expression triste, accoutré d’un manteau sombre dans le Carré Saint-Louis, reconnaissable par la silhouette des maisons en rangée à l’arrière. C’est l’hiver, le temps est gris et les arbres, sans feuilles. L’image reflète la douleur du poète qui a fini ses jours enfermé dans un asile.
Le tableau était accroché derrière le bureau de M. Breton avant d’être déplacé sur un autre mur qui le met moins en valeur, selon M. Turp, qui a vu l’oeuvre pour la dernière fois à l’été 2011. Les étudiants, eux, ont pu le voir pour la dernière fois en 2006 lors de l’exposition Du Quêteux au Migrant, le nomadisme dans l’art au Québec au Centre d’exposition de l’UdeM. «Hommage à Nelligan n’est pas très accessible à la communauté universitaire, à moins d’avoir rendez-vous avec le recteur », déplore M. Turp.
L’oeuvre de Lemieux n’a jamais été évaluée, mais un autre de ses tableaux, 1910 Remembered, a été vendu aux enchères le 24 novembre dernier à Toronto, au prix de 2 340 000 $, un record pour l’art canadien. «Mon rêve, c’est de posséder, un jour, un original de Lemieux», dit M. Turp. Pour l’instant, il devra se contenter de reproductions, de visites aux musées et de rendez-vous avec le recteur .
Un tableau historique
Hommage à Nelligan a été peint pendant la période la plus significative de la carrière de Lemieux, soit entre la fin des années 1960 et la fin des années 1970, à une époque où l’art québécois était en pleine effervescence. En parfaite condition, il n’a eu de propriétaire que l’UdeM.
C’est André Bachand, père de l’actuel ministre québécois des Finances Raymond Bachand, qui est à l’origine de l’acquisition de cette oeuvre majeure de Jean-Paul Lemieux.
Entre 1968 et 1973, il convainc le rectorat de l’université et lance la campagne de financement du cinquantenaire qui permet de récolter des dons majeurs en argent et en oeuvres, dont Hommage à Nelligan, fraîchement sorti de l’atelier de Lemieux en 1971. Une aubaine, à l’époque.
La collection d’oeuvres d’art de l’UdeM est placée sous l’autorité du vice-recteur désigné par le recteur. Les artistes représentés sont majoritairement québécois : Paul-Émile Borduas, Marcelle Ferron, Marc-Aurèle Fortin, Alfred Laliberté, Ozias Leduc, Lisette Lemieux, Alfred Pellan, Jean-Paul Riopelle et Jean-Paul Lemieux, pour ne nommer que ceux-là. Ces oeuvres se trouvent en grande majorité dans les réserves du Centre d’exposition.
Les raisons pour lesquelles Hommage à Nelligan se trouve dans le bureau du recteur plutôt qu’une autre des 450 oeuvres de la collection de l’UdeM sont inconnues. M. Breton n’a pas donné suite à nos appels.