Apprendre le temps d’un café

icone Societe
Par Julie Robert
mercredi 31 octobre 2012
Apprendre le temps d’un café
Apprendre de manière informelle autour d’un café (ou d’un verre), voici ce que propose e-180.com (Crédit : flickr/henningbulka)
Apprendre de manière informelle autour d’un café (ou d’un verre), voici ce que propose e-180.com (Crédit : flickr/henningbulka)

Cela ressemble à un rendez-vous de site de rencontre dans un café. Sauf qu’ici, on n’est pas en quête de l’âme soeur mais de connaissances : l’un vient pour apprendre et l’autre pour partager son savoir. Cette nouvelle forme d’apprentissage est proposée par E-180, un site internet de jumelage désormais ouvert à tout le monde. La formule a déjà séduit des étudiants.

Grâce à la plateforme E-180, l’étudiant à HEC Montréal, Paul Mariuzzo-Raynaud, a pu réaliser son envie de longue date d’apprendre à faire des sushis. Il a aussi appris à utiliser le logiciel WordPress lors d’un jumelage rendu possible par l’intermédiaire d’E-180, qui tire son nom de «E» comme éducation et de «180» comme «voir autrement ». « Ce n’est pas le genre de connaissances que l’on voit en cours, ça a été un moyen de développer des compétences en dehors de mes études», pense-t-il.  

C’est en remarquant que les gens se servaient de Facebook ou de Twitter pour contacter leurs amis quand ils voulaient apprendre quelque chose, que la cofondatrice et directrice générale de E-180, Christine Renaud, a eu l’idée de développer un site dédié à l’apprentissage par les pairs. «L’apprentissage est quelque chose de vivant, basé sur des besoins humains. On n’apprend pas si on ne voit pas de pertinence dans nos vies», explique cette diplômée en éducation de l’UdeM et de la Harvard Graduate School of Education. Le site E-180.com vient d’être ouvert au public. Il a déjà facilité plus de 300 rencontres d’échange de connaissances auprès de 1 250 membres, dont des étudiants, lors d’une période de test d’environ un an.

Étudiante au Conservatoire de musique de Montréal, Vanessa Massera a enseigné à ses interlocuteurs la programmation, ainsi que le latin. « C’est plus stimulant qu’un cours magistral, car la rencontre vient d’une initiative personnelle et ce n’est pas un cours avec des crédits imposés», raconte-t-elle. Quant à l’étudiant en administration à HEC Montréal, Julien Hivon, il va rencontrer prochainement un professionnel des technologies de l’information, un secteur dans lequel il souhaite faire carrière. «C’est une façon de m’initier à la vie professionnelle», confie-t-il.

Pour certains étudiants, E-180 peut servir au développement d’un réseau de professionnels, pour d’autres, ce type de plateforme permet de tester dans le monde réel des connaissances universitaires, souvent théoriques. «Si des étudiants au bac ou à HEC savent faire une étude de marché, il y a plein d’entrepreneurs qui ne savent pas faire ça et qui peuvent bénéficier de leurs compétences», souligne Mme Renaud.

Une valeur éducative en question

Le professeur du Département de psychopédagogie et d’andragogie (formation des adultes) de l’UdeM, Bruno Poellhuber, considère que l’initiative de E-180 s’inscrit dans la tendance actuelle des médias sociaux dont les utilisateurs poursuivent des échanges, partagent des ressources et apprennent sur des sujets qui les intéressent, le tout au sein d’un réseau. « Apprendre par les pairs, j’y crois beaucoup. Apprendre que par eux, j’y crois moins, résume-t-il. C’est sûr qu’ils sont prometteurs. Maintenant, comment peut-on exploiter ces modes d’apprentissage par les médias sociaux pour qu’ils soient efficaces ? On en est encore aux balbutiements.»

De son côté, Mme Renaud estime que les réseaux sociaux dynamisent le contenu. Pour elle, c’est une nouvelle façon d’organiser l’apprentissage, plus vivante que celle des institutions, comme les universités, cristallisées dans des modèles établis et des curriculums. «Apprendre est un processus qui ne s’arrête jamais et E-180 intervient ponctuellement dans ce processus pour guider les gens qui ont des blocages ou vivent des moments de transitions et qui ont besoin d’avoir un accès à l’information plus individualisé.» Échanger des connaissances de manière informelle et continue vient donc compléter l’apprentissage traditionnel donné par un professeur dans une salle de cours. Une richesse dans une économie de plus en plus basée sur le savoir .