A-t-on besoin de musique francophone à la radio commerciale?

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Par Etienne Galarneau
mercredi 23 septembre 2015
A-t-on besoin de musique francophone à la radio commerciale?
L'an dernier, CISM avait annoncé qu’elle changerait son mandat pour s’approcher plus d’une programmation de radio commerciale. La nouvelle, qui était un canular, avait créé une grande levée de boucliers à travers la communauté médiatique québécoise. Crédit photo: Alice Mariette
L'an dernier, CISM avait annoncé qu’elle changerait son mandat pour s’approcher plus d’une programmation de radio commerciale. La nouvelle, qui était un canular, avait créé une grande levée de boucliers à travers la communauté médiatique québécoise. Crédit photo: Alice Mariette
En novembre prochain, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) entamera un processus de révision de ses politiques relatives aux radios commerciales. L’un des principaux points qui sera discuté est celui, demandé par un rassemblement de radios commerciales, de faire passer les quotas de musique francophone de 65% à 35% du contenu diffusé.

Cette réorganisation, proposée par Cogeco Diffusion et Bell Média, pourrait sans aucun doute changer la face du monde musical au Québec. Cette position est fortement contestée par le gouvernement québécois. Le ministère de la Culture et des Communications a déposé, en réponse à cette nouvelle, un mémoire demandant à conserver, sinon resserrer, les dispositions actuelles du CRTC.

Dans le document déposé auprès du CRTC, le gouvernement soutient que la langue française et le talent local seraient mis en péril par l’assouplissement proposé par les radiodiffuseurs. Lorsque l’organisme prétend que les radios doivent adapter leur offre en fonction des habitudes d’écoute de leur public, la ministre Hélène David avance que sur les plateformes d’écoute en ligne, le français est beaucoup moins présent.

Les chiffres

En observant certaines données, on peut se demander d’où provient réellement la volonté des radiodiffuseurs de proposer un assouplissement aussi radical des quotas de diffusion de musique francophone. Si en 2011 les Québécois écoutaient de moins en moins la radio, il n’en demeure pas moins que ce médium est encore utilisé par une bonne partie de la population. De plus, d’après un sondage Numéris réalisé au mois d’août 2015, les trois chaînes radiophoniques les plus écoutées par les auditeurs francophones, le 98,5 FM, Rythme FM et Rouge FM, appartiennent toutes à Cogeco Diffusion et Bell Média. Ces trois stations possèdent plus de 50% de l’audimat québécois : on peut imaginer que leur auditoire découvrira moins de musiques francophones.

De plus, en raison du petit bassin de pièces musicales appartenant à la francophonie qui sont distribuées en Amérique du Nord, il semble juste de voir qu’une mesure d’assouplissement serait dommageable pour la production locale. Selon une enquête CROP-La Presse menée en 2011, plus de 60% des Québécois sont intéressés, à divers degrés, par la production musicale locale. On y ajoute aussi que 70% des gens consultés trouvent la musique québécoise comparable à celle des autres catégories musicales, sinon meilleure. Il apparait donc surprenant que les diffuseurs prétendent que le public demande plus de production anglophone.

Peu avant le 1er avril 2014, la radio étudiante de l’UdeM, CISM, avait annoncé qu’elle changerait son mandat pour s’approcher plus d’une programmation de radio commerciale. La nouvelle, qui était un canular, a créé une grande levée de boucliers à travers la communauté médiatique québécoise. La mission principale de cette station est foncièrement différente de celles de Cogeco Diffusion et Bell Médias, mais il n’en demeure pas moins que cette situation nous montre l’importance qu’accorde le public aux plateformes aidant la production locale.

Finalement, les musiciens indépendants devraient jeter un coup d’œil aux conclusions de ce bras de fer entre le CRTC et les instances culturelles québécoises. Un assouplissement des quotas de diffusion francophone affectera nécessairement la facilité de diffusion des plus petits joueurs. Conséquemment, les chansons francophones qui auront leur chance sur les ondes FM se ressembleront sans aucun doute :et cela renforcera uncertain ras-le-bol chez les auditeurs.