À l’école du vote

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Par Dominique Cambron Goulet
mercredi 9 avril 2014
À l’école du vote
Illustration : Mélaine Joly
Illustration : Mélaine Joly

Les étudiants des écoles professionnelles, cégeps et universités de la Belle Province ont eu l’occasion de voter dans leurs établissements d’enseignement pour la première fois de l’histoire. Cette mesure, qui visait à inciter les jeunes qui étudient loin de leur domicile à voter, a connu un succès mitigé (Une participation décevante?). Plusieurs observateurs ont qualifié de faible le taux de participation d’environ 13 % à la grandeur du Québec. 55000 étudiants sur un potentiel de 400000 ont profité de la nouvelle façon de faire. À l’UdeM, c’est un peu plus de 23% des électeurs potentiels, identifiés par le directeur général des élections du Québec (DGE), qui se sont exprimés.

Ces chiffres sont-ils décevants ? Si le vote dans les universités permet à beaucoup d’étudiants demeurant loin de leur domicile principal de voter, le scrutin dans les cégeps et les écoles professionnelles n’accomplit généralement pas le même rôle. Ces écoles, plus nombreuses et réparties dans la province, desservent une population étudiante résidant plus près d’elles. Ainsi, dans un cégep par exemple, non seulement plusieurs étudiants ne sont pas en âge de voter, mais une grande majorité résident encore chez leurs parents et peuvent facilement aller voter le jour des élections ou encore lors des journées de vote par anticipation.

Il faudra attendre les statistiques exactes sur le vote des 18-24 ans pour se prononcer en toute connaissance de cause, mais si celui-ci reste le même qu’en 2012, soit 62 %, on pourra qualifier de succès les bureaux de vote dans les établissements d’enseignement (BVEE). Lors des dernières élections provinciales, le taux de participation chez les jeunes était à son plus haut depuis 1994, où il avait atteint 73 %.

Une histoire de date

Ce serait un succès au sens où les BVEE auraient permis d’amoindrir l’impact des circonstances externes sur le vote des étudiants. Rappelons que lors des dernières élections, la plus grande grève du mouvement étudiant québécois battait son plein, mais aussi que le vote s’était tenu avant le début de la session de nombreuses facultés et universités. Cette situation est beaucoup simple pour les étudiants venant de régions éloignées, qui peuvent prolonger de quelques jours leur séjour d’été à leur domicile afin de voter par anticipation.

En regardant attentivement les taux de participation des 18-24 ans des élections provinciales depuis 1985, on observe que les élections se tenant en début de session universitaire sont beaucoup plus populaires. Le 12 septembre 1994, le taux de participation a atteint 73 % et le 4 septembre 2012, 62 %. Toutefois, on atteignait un creux historique à 36 % le 8 décembre 2008. Idem pour le 14 avril 2003, second plus bas taux depuis 1985 avec 52%. Les étudiants des cycles supérieurs ne seraient pas non plus à l’abri de l’effet «fin de session» puisque les taux des 25-34 ans ont exactement le même comportement. Bien sûr, ces chiffres suivent aussi généralement la tendance naturelle de la population, l’élection de 1994 étant particulièrement populaire à l’aube d’un référendum. Cependant, la fin de session semble affecter le vote des étudiants.

Se déplacer jusque dans sa circonscription d’origine en plein rush d’examen et de travaux n’est pas chose aisée. En cette fin de session, les BVEE prouveront leur utilité si le taux de participation des jeunes est équivalent ou même légèrement inférieur à celui de 2012.

L’erreur étudiante

À la suite de l’élection d’un gouvernement majoritaire du Parti libéral du Québec (PLQ) lundi, on se rend compte que c’est seulement le printemps érable qui a permis au Parti québécois (PQ) de diriger la province durant 18 mois. Un court moment au centre de ce qui sera 15 ans de règne libéral à la fin du gouvernement de Philippe Couillard, en 2018. Le PLQ a ainsi commis sa seule erreur en une décennie avec sa piètre gestion de la grève étudiante. Probablement qu’en choisissant l’indexation des frais de scolarité, comme le PQ l’a fait lors de son Sommet sur l’enseignement supérieur, Jean Charest aurait pu conserver le pouvoir encore bien longtemps.

Alors que tous les espoirs étaient permis pour les étudiants après le scrutin de 2012, la jeune génération essuie aujourd’hui un cuisant revers. La défaite de Martine Desjardins et de Léo Bureau-Blouin démontre bien que la cause étudiante n’a pas eu d’écho jusqu’en 2014, même si l’on peut attribuer la débandade du PQ à plusieurs autres facteurs.

La députée d’Outremont et ancienne vice-rectrice aux affaires académiques de l’UdeM, Hélène David, est déjà pressentie comme ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et des Technologies. Elle qui a été dans la première équipe de Guy Breton a toutefois quitté son poste en 2011, tout juste à l’annonce de la hausse des frais de scolarité. Dans la campagne, elle a plutôt insisté sur la philanthropie comme moyen de financer davantage les universités. Toutefois, plusieurs recteurs qui réclament encore une hausse des frais trouveront probablement une oreille favorable en Mme David, qui connaît bien leur situation.

Les étudiants passeront-ils encore une fois à l’offensive ? Lundi soir, on entendait déjà des casseroles au coin des rues St-Denis et Beaubien.

Source des données: François Gélineau et R. Tessier,
Le déclin de la participation électorale au Québec,
1985-2008, Université Laval, 2012.