Chronique : l’isolement au doctorat

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mercredi 15 mars 2017
Chronique : l'isolement au doctorat
Photo : Flickr.com/World Bank Photo Collection Suivre
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Au doctorat, un étudiant sur deux vivra des épisodes dépressifs selon une étude réalisée en 2015. Si l’isolement semble faire partie du rite de passage au doctorat, il est nécessaire de comprendre son origine et de développer des méthodes de travail permettant d’y faire face.

Une étude menée par l’Université de Berkeley en Californie en 2015 sur les conditions de vie des étudiants aux États-Unis indique qu’environ de 50 % des étudiants de 3e cycle vivent des épisodes dépressifs durant leur parcours doctoral. La solitude est omniprésente dans le discours des informateurs et associée à une hausse d’inscriptions d’étudiants aux cycles supérieurs, sans que le nombre de professeurs ou que le financement ne soit proportionnellement augmenté. Ainsi, outre le sentiment de ne pas être suffisamment encadré, le sous-financement engendre une concurrence entre étudiants, un phénomène exacerbé par le « syndrome de l’imposteur » courant à la maîtrise et au doctorat.

Le concept d’isolement est de plus en plus étudié dans le cadre universitaire et dépasse désormais la seule notion « d’être seul ». À ce titre, une recherche récente décrit l’isolement doctoral selon trois axes. D’abord la solitude face à soi, qui découle de l’impression de dédier tout son temps à la rédaction.Ensuite, la solitude face aux autres qui résulte d’une incapacité à partager son vécu avec son entourage. Enfin, la solitude face au monde liée aux incertitudes de l’avenir hors du milieu universitaire et de la pertinence de ses recherches.

Cela mène immanquablement à des épisodes de solitude, d’isolement et éventuellement, de dépression, sans compter la fréquente précarité financière des étudiants doctoraux. Le résultat est accablant, puisque d’après Statistiques Canada, plus du tiers des étudiants canadiens abandonneront en cours de route leurs études doctorales.

Dynamiques collectives

L’exercice de la thèse véhicule encore de nombreux clichés malsains dont celui que l’isolement est le fruit d’un pseudo rite d’initiation. Or, les discussions menées par la professeure à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris Irène Bellier, dans le cadre de la séance « Être acteur de son doctorat : pistes et outils pour la prise d’initiatives et contre l’isolement », démontrent que la réussite universitaire est intimement liée à la reconnaissance de la part d’isolement dans le travail. Elle aussi associée à la nécessité d’intégrer des dynamiques collectives dans le processus de rédaction.

L’environnement, les méthodes d’écriture et le milieu de travail doivent être repensés dans des contextes collectifs. Par exemple, les étudiants sont habituellement associés à un laboratoire de recherche, qui est généralement l’unité de référence et la porte d’entrée dans le monde professionnel. Or, selon Mme Bellier, il est nécessaire et même « extrêmement sain d’aller voir ailleurs ». Entrer en contact avec des chercheurs de différentes universités ou d’autres laboratoires permet de s’intégrer dans des milieux qui peuvent s’avérer stimulants et inspirants pour ses propres recherches et processus d’écriture.

Plusieurs recherches* démontrent que l’isolement est aussi directement lié aux méthodes d’écriture et de gestion de temps. À ce titre, des auteurs se sont penchés sur le problème afin d’offrir des méthodes d’écriture efficaces en contexte doctoral. À Montréal, différents outils sont disponibles, comme le projet « Thèsez-vous ? » qui propose des retraites d’écriture en milieu urbain pour quelques heures, ou à la campagne pour quelques jours. Ces retraites offrent un univers propice à l’écriture, mais aussi à la rencontre étudiante.

L’isolement s’intègre parfois de façon sournoise et la recherche d’espaces de réflexion collectifs peut s’avérer cruciale pour continuer sainement ses études. Sans oublier, bien entendu, de décrocher parfois complètement pour passer du temps avec des « non-chercheurs » !

 

Comment réussir sa thèse : La conduite du projet de doctorat (Romelaer et Kalika 2011)

Manuel de méthodologie et de rédaction de la thèse de doctorat (N’Da 2016)

Pomodoro Technique Illustrated: The Easy Way to Do More in Less Time (Boteberg 2009)

Assieds-toi et écris ta thèse! Trucs pratiques et motivationnels (Belleville 2014)